James GUITET
Né en France en 1925 – Décédé en 2010
Après avoir suivi une formation classique, James Guitet poursuit des expériences graphiques et picturales qui vont du Réalisme Socialiste au Cubisme. L’amitié qui l’a lié à Michel Ragon et leurs échanges de points de vue procurent une ouverture et une émulation à ses recherches. En 1948, il peint son premier tableau abstrait ; il écrit à ce sujet : « Le passage de la figuration à l’abstraction s’est fait très lentement. De plus en plus l’objet me semblait un résidu « insignifiant » ou réduisant la forme signifiante à l’esclavage. Il me semblait qu’en éliminant ce résidu qui n’était qu’un aspect extérieur, je pouvais plonger plus profondément dans le mystère de la vie1« .
Ayant fait la connaissance d’Atlan, il expose des œuvres très marquées par cette rencontre à la Biennale de Menton, en 1951. Progressivement, il abandonne une manière d’expressionnisme abstrait au profit d’une géométrie cadencée, proche de celle de Geer Van Velde. La découverte faite plus tard de la peinture de Giotto, des primitifs siennois et les réflexions qu’il en tire, renforcent alors le caractère architecturé de ses compositions ; c’est à cette époque qu’a lieu sa première exposition particulière.
En 1956, apparaissent les premiers tableaux matiéristes de l’artiste ; qualifiée par lui-même de « Bachelardienne » cette période est très proche en esprit, sinon influencée par elle, de la philosophie cosmique de Bachelard et très étroitement liée à l’attachement que Guitet éprouve jusque dans sa matérialité pour le paysage. C’est pour qualifier ces œuvres que M. Ragon inventera le terme de « Paysagisme abstrait », puis de « Naturalisme abstrait » quand Guitet ne concevra plus son tableau comme la traduction abstraite d’un paysage observé, mais comme le champ d’expression d’une perception globale des réseaux d’énergies diffuses émanant des règnes naturels. Ainsi sa démarche picturale s’accompagne-t-elle d’un cheminement d’ordre philosophique ou spirituel ; où la forme, loin de valoir pour elle-même, s’incarne véritablement.
Pratiquant assidûment par ailleurs la gravure à travers la plupart de ses techniques, il lui a ouvert par ses investigations de nouvelles possibilités en utilisant par exemple des matrices de tissu ou de plastique. Une vision globale du statut de l’artiste a amené Guitet à ne pas en négliger la dimension sociale et à s’investir dans divers projets d’architecture et d’urbanisme. Mais la peinture demeure pour lui, à l’image des peintres de la Renaissance, la source d’émotion, d’équilibre et de réflexion dont il tire la matière qui féconde le reste de ses travaux, le creuset primordial de ses recherches.
Après avoir fait apparaître en 1956 des reliefs sur son support pour donner plus de présence à la matière, Guitet adopte en 1959 la toile et l’huile. La composition est ici un dialogue entre des surfaces lisses et des zones de reliefs, mais aussi entre des zones peintes horizontalement et des zones peintes verticalement. Ainsi l’architecture de la toile est-elle clairement affirmée ; l’artiste se définit d’ailleurs lui-même comme « l’espèce d’urbaniste d’une typographie de rêve ». L’empreinte du pinceau, inscrite dans la pâte, renvoie au geste ; celui-ci n’est ni violent ni spontané, mais réfléchi. La couleur, peu saturée, tout en nuances, rappelle la terre ; elle n’en est pas la représentation, mais l’expression de sa matérialité.
Nicolas Chabrol
1- Texte de Guitet cité dans L’Art Abstrait, ouvrage de M. Ragon et M. Seuphor, Maeght Editeur, 1973, p. 270.