En ce moment au Frac Auvergne
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CHRISTINE SAFA
De chair et de pierre
Les peintures de Christine Safa naissent de la remémoration de sensations éprouvées quelques temps plus tôt, avant même que l’idée de la peinture ne se soit matérialisée. Des sensations de chaleur sèche, de torpeur enveloppante, de touffeur de l’été qui engourdit le corps, d’immersion dans l’eau qui donne à tout ce qui se trouve autour un sentiment d’irréalité. Ces sensations sont avant tout d’ordre physique dans ces moments où le corps, dans l’absolu de sa présence au monde, redevient le seul canal qui permette d’accéder simplement mais pleinement au visible.
De retour à l’atelier, le souvenir de ces sensations afflue à la manière d’une vague, de manière impérieuse et sans préméditation. Rien n’a été oublié. Les sensations sont demeurées en latence et se sont gorgées de souvenirs, d’images autres, qui sont venues se superposer et donner de nouvelles formes à l’image première. Les strates de peinture, la confusion des couleurs, l’imprécision des contours racontent la difficulté à se souvenir précisément des choses vécues, de leur forme, de leur densité.
Le travail de la couleur chez Christine Safa – à partir de pigments purs broyés puis mélangés à l’huile – rattache sa pratique à l’héritage des Primitifs italiens du XVe siècle comme à l’éclat des fresques retrouvées dans les villas pompéiennes peintes au Ier siècle avant J.-C. La singularité de la surface de ses peintures préparées à la poudre de marbre, traditionnellement utilisée dans la composition des enduits peints, rappelle la surface douce et dure de ces fresques anciennes.
Parfaitement consciente de la fugacité du temps, Christine Safa tend ainsi à doter d’une mémoire ce qui est voué à l’effacement, à la disparition. Lumière du soleil levant, douceur de l’étreinte, floraison d’un bouquet, rien ne dure. L’artiste dépose des instants immatériels et fugitifs sur son support avant qu’il ne sèche, avant sa prise complète comme on le dirait d’un enduit. Le séchage donne à la surface l’allure d’un calcaire solide. La peinture devient pierre. L’éphémère se retrouve scellé, « emprisonné » dans la surface.
Laure Forlay
Commissaire de l’exposition
À venir
Programmation du frac auvergne en cours d’élaboration
Hors les murs
LA CONFUSION DES HORIZONS
Le paysage dans les collections photographiques du Frac Auvergne et du musée Crozatier
L’exposition La confusion des horizons réunit une sélection d’œuvres photographiques issues de la collection du Frac Auvergne et du musée Crozatier. Elle aborde la question du paysage depuis le point de vue singulier de l’horizon dont les enjeux de représentation, loin d’être anecdotiques, révèlent en creux des manières multiples de percevoir le monde.
L’horizon n’est pas une ligne fixe attachée à un territoire, il est mouvant et se définit uniquement par le regard de l’observateur. Le parcours de cette exposition se déploie ainsi dans une grande profusion (le terme répondant ici au sens vieilli du mot confusion), depuis l’horizon des pierres jusqu’à l’horizon des particules. Sous l’objectif des photographes, l’horizon se fragmente, se dématérialise. Les espaces se confondent, les limites sont repoussées pour porter au regard des espaces jusque-là indiscernables.
Grâce à ce projet, le musée Crozatier s’est également penché sur sa propre collection de photographies patrimoniales et dévoile une vingtaine de paysages altiligériens, français ou extra-occidentaux, dans un dialogue fécond avec les œuvres du Frac, révélant les potentialités infinies du médium photographique.
L’exposition La confusion des horizons réunit une sélection d’œuvres photographiques issues de la collection du Frac Auvergne et du musée Crozatier. Elle aborde la question du paysage depuis le point de vue singulier de l’horizon dont les enjeux de représentation, loin d’être anecdotiques, révèlent en creux des manières multiples de percevoir le monde.
L’horizon n’est pas une ligne fixe attachée à un territoire, il est mouvant et se définit uniquement par le regard de l’observateur. Le parcours de cette exposition se déploie ainsi dans une grande profusion (le terme répondant ici au sens vieilli du mot confusion), depuis l’horizon des pierres jusqu’à l’horizon des particules. Sous l’objectif des photographes, l’horizon se fragmente, se dématérialise. Les espaces se confondent, les limites sont repoussées pour porter au regard des espaces jusque-là indiscernables.
Grâce à ce projet, le musée Crozatier s’est également penché sur sa propre collection de photographies patrimoniales et dévoile une vingtaine de paysages altiligériens, français ou extra-occidentaux, dans un dialogue fécond avec les œuvres du Frac, révélant les potentialités infinies du médium photographique.
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Expositions passées
Accéder)
BEAUTÉS
Marcel Proust écrivait que «la vraie beauté est si particulière, si nouvelle, qu’on ne la reconnaît pas pour la beauté», soulignant notre impuissance à savoir la saisir quand elle se présente, surpris de la voir se révéler à retardement, après coup. La beauté est une friction de sentiments contradictoires. L’émoi, la merveille, la poésie et la légèreté côtoient la disgrâce, le périssable, le mélancolique et la gravité. Ce qui apparaissait comme dépourvu de beauté se révèle dans une floraison inattendue, plus subtile que ne le laissait prévoir le sens attribué à cette qualité souvent confondue avec la joliesse. La beauté se dévoile, opaque et nostalgique comme une goutte d’encre noire dans le lait, solaire comme un reflet scintillant à la surface de l’eau, infixable comme le défilement d’un paysage aperçu par la vitre d’un train lancé à toute allure à travers la campagne. Les beautés sont éclatantes autant que déclinantes. Sans doute la lumière faiblissante du crépuscule affleurant les ténèbres convient-elle davantage pour qualifier la beauté et son inéluctable fanaison : le coucher de soleil vespéral est autant le spectacle des bluettes romantiques que l’embrasement sidérant annonçant une extinction.
Acquises par la collection du FRAC Auvergne entre 1985 et 2023, les «beautés» réunies dans cette exposition sont nées des «caprices» de celles et ceux qui les ont créées. Par caprice, il faut entendre l’impulsion, la fantaisie, la générosité et la profusion, il faut éprouver le frisson (capriccio en italien) dont elles ont gratifié les artistes qui les ont imaginées bien avant de nous être données. Pas une beauté mais des beautés, associant leurs contraires dans une indémêlable étreinte. L’harmonieux se joint à la discordance, la magnificence accueille la stridence, le lustre accepte les plis urticants et les fascinantes désintégrations. Les remous d’une assemblée de carpes à la surface d’une mare cadrée par Rinko Kawauchi offrent une beauté déjà menacée par le frémissement d’une fragilité de vitrail ; la lumière d’aube des encres de Claire Chesnier affleure les tourbes originelles en même temps que le devenir boueux du monde ; la composition parfaite de Gregory Crewdson révèle son harmonie à l’aune de la solitude des êtres qui s’y trouvent figés dans une grâce, malgré eux.
Jean-Charles Vergne
Directeur du FRAC Auvergne
Commissaire de l’exposition