Jacques VILLEGLÉ
Né en France en 1926 - Décédé en 2022
C’est en 1947 que Jacques Villeglé arrache sa première affiche lacérée ; il s’approprie ainsi ce qu’il considère comme l’expression contemporaine d’un monde que nous fabriquons, un reflet de vie de notre société. Comme il l’explique dans ses textes, Jacques Villeglé cherche un équilibre entre l’esthétique de l’affiche et ses aspects sociologiques, historiques. Pour réaffirmer l’importance des affiches lacérées comme documents, il leur donne le plus souvent pour titre le lieu d’où elles proviennent, ainsi que la date de leur arrachage. En 1957, une exposition intitulée « Loi du 29 juillet 1881 » constitue la première rétrospective des affiches lacérées de Raymond Hains et Jacques Villeglé. Avec notamment François Dufrêne et Raymond Hains, il est signataire de la déclaration constitutive du Nouveau Réalisme, aux côtés d’Yves Klein, Arman, César, Jean Tinguely… Comme les autres affichistes, il est passionné par les codes d’échange de notre société, le langage parlé et écrit, mais il a une sensibilité particulière pour les événements sociaux et politiques.
Sous le titre La France déchirée, une sélection d’affiches lacérées portant sur les guerres d’Algérie et d’Indochine fut présentée à la galerie J en 1961. L’intérêt de Jacques Villeglé pour les événements politiques et sociaux apparaît nettement dans ces oeuvres marquées par une époque troublée. Rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, 1961, appartient à cette série. Résolument simple dans sa composition, cette affiche lacérée n’oblige pas le regard à se disperser, au contraire de beaucoup d’autres. L’intrusion dans la partie inférieure d’une déchirure nette et effilée, en bouleverse la surface violette presque tranquille. Par sa forme allongée et sa disposition, elle concentre l’attention en la désignant presque, sur une affichette située plus haut. Ce faisant, elle souligne et renforce une violence polémique déjà présente sur le placard dans la confrontation violente du texte et des lacérations qui l’occultent partiellement.
Nicolas Chabrol