Jean-Paul ALBINET

Né en 1954 en France - Vit en France

Membre du groupe Untel (groupe actif entre 1975 et 1980) avec Philippe Cazal et Alain Snyers, Jean-Paul Albinet œuvre principalement dans et avec la peinture, mais une peinture qui serait débarrassée des problématiques purement picturales et qui tenterait de saisir et de détourner l’environnement urbain et les codes de communication que l’on y retrouve et dans lesquels nous baignons, environnement urbain et codes qu’il ne glorifie pas, pas plus qu’il ne les critique mais qu’il détourne pour en faire la matrice de ses œuvres tout en évitant soigneusement de s’exprimer, restant en permanence, impersonnel dans son art.
Logos, affiches publicitaires, code-barres, emballages alimentaires, slogans, journaux… chacun de ses éléments a pu servir d’élément déclencheur d’une œuvre qui va de la « simple présentation » – comme 13 décembre, collecte de unes de journaux datées du 13 décembre depuis 1980 – jusqu’à la forme la plus abstraite – comme les Pixels du peintre des années 1995-1996 où un monochrome est codé sur la tranche par un code-barres formant des fragments de phrases illisibles et secrètes.
Les Logos collection viennent après la série des Hautes fenêtres (1984), reprises d’images publicitaires traitées selon le clichés formels du vitrail. Les affiches, en perdant leur slogan ou en étant partiellement recouvertes par la peinture, deviennent une composition a-sémantique qui semble à la fois exalter la puissance de l’image tout en la privant de sa force communicationnelle en allant jusqu’à la transformer en motif.
Les Logos collection qui suivent cette série reprennent ce principe du détournement. Cette fois ce sont des logos célèbres (Michelin, Caisse d’épargne, Honeywell Bull…) qui sont transformés en motifs de pseudo vitrail – pseudo puisque peints. La transparence du sens est, ici, plus grande et l’on comprendra aisément que ces logos aient pris, aujourd’hui, la force visuelle que pouvaient avoir, au Moyen-âge, les figures du Nouveau Testament ou de la Légende dorée – ce que signifia John Lennon en 1966 lorsqu’il déclara : « Aujourd’hui, nous sommes plus populaires que Jésus », déclaration qui provoqua un raz-de-marée de protestation.
On pourrait s’arrêter là, mais force est de constater que la question n’est pas que de sens, mais, également, de forme et que la puissance formelle – ce que l’on attend d’eux surtout à ce niveau de représentation de la part de marques diffusées nationalement ou internationalement – est non seulement intacte, mais gagne, dans le contexte du détournement, une nouvelle fraîcheur, se régénère, redevient à nos yeux un peu trop habitués, de nouveau visible. Il y a, donc, de l’humour, mais pas seulement, il y a l’affirmation que les force plastique est passée de l’art et des artistes à la communication et aux designers graphiques et que la lutte est vaine. En cela, la peinture de Jean-Paul Albinet prend acte d’une dégradation de l’art, d’un art qui aura du mal à faire sens et est devenu une marchandise commerciale à la valeur dévaluée, ce dont rendront compte une des séries suivantes de l’artiste, série composée de peinture montrant des code-barres comme unique motif.

Eric Suchère