Patrice BELIN

Né en France en 1959 – Vit en France

La sculpture de Patrice Belin pourrait procéder d’un acte de destruction opéré par quelque mauvais démiurge. En effet, il s’agit bien de détruire, de fissurer, de fracturer, de morceler, pour atteindre l’extrême limite physique de la pierre, pour en magnifier le seuil de rupture. La pierre révèle, au delà de sa gangue protectrice corrodée, au delà de la fracture sèche, un champ sensuel et sensitif. Cette confrontation entre la brutalité du martèlement sur la pierre et la sensibilité intrinsèque du matériau demeure sans doute le point nodal de son travail.
Patrice Belin ne montre pas. Il laisse entrevoir. Et parfois, il rend presque impossible la monstration de l’œuvre, à l’instar de cette sculpture réalisée en 1998 à Aswan, au ras du sol en plein désert égyptien. Il envisage la pierre dans son intériorité, dans son intimité, pas dans sa massivité habituelle. Elle n’est que secret, pudeur, n’acceptant que l’effleurement et imposant une tactilité prudente et humble. La pierre dévoile sa dimension interne, sa dimension cachée ; l’infime côtoie le monolithique sans monumentalité, sans spectaculaire. Procédant parfois d’un héritage issu du land art, il récupère et assemble de vielles pierres, des souches d’arbres, des meules qui, disposées en pleine nature, éloignées les unes des autres, mais unies par d’invisibles liens, créent d’improbables lignes de démarcation. Elles constituent un espace à franchir, un territoire privilégié oscillant entre le sacré et le profane, entremêlant le rituel et l’immanent. Il n’y a pas de démonstration ostentatoire dans la sculpture de Patrice Belin, il n’y a pas de faste, peu de verticalité. Tout est mis en œuvre pour préserver le matériau, pour le protéger, le laisser affleurer en l’entourant des frontières massives. C’est une sculpture méditative, contemplative, une sculpture de l’économie. Les titres eux-mêmes n’imposent aucune lecture à priori, basés dès l’origine sur un simple système de numérotation (ainsi, N+976 signifie la septième œuvre de l’année 1996).
Il en va de la pratique de Patrice Belin comme de la quête d’une hiérophanie dont la seule finalité est d’inscrire l’artiste dans son environnement afin de lui offrir les bases nécessaires pour accéder à une forme de sérénité et de sagesse. Ce qui se dégage de son travail place Patrice Belin quelque part entre Toni Grand, Jean Clareboud et Marc Couturier, c’est-à-dire parmi ceux qu’habitent l’idée de nature et la quête de spiritualité.