Romain BOBICHON
Né en France en 1988 - Vit à Saint-Beauzile (Tarn)
Dans les peintures de Romain Bobichon, les gris sont colorés dans des nuances obscures, presque boueuses. Ce phénomène de la peinture, parfois incontrôlé, provient des agrégats de la matière, des rencontres entre des couleurs. Des couleurs néanmoins choisies, autant que les formats de châssis choisis, les temporalités de travail, elles, partiellement choisies. Alors que les mesures de son corps, de ses mains, de son buste, ne sont pas choisies. Les gestes sont soumis à l’intuition de ce corps, de ces mains. Les conditions de travail sont variables : d’une économie instable à une lumière naturelle changeante. L’esprit est nourri d’histoires collectives du jour et de lectures solitaires de nuit.
Avez-vous déjà essayé d’identifier précisément chaque instrument d’un orchestre, chaque rang qui émet et compose une symphonie ? Ce n’est pas tant cette identification qui compte, que le résultat même de l’écoute et ici, de la vision. De même que les objets hétéroclites, qui nourrissent le collectionnisme des syllogomanes (des gens qui gardent tout ou qui ne jettent rien), n’ont pas de liens entre eux si ce n’est leur relation avec le corps de leur accumulateur ·rice qui vit dans les derniers espaces de vides de son habitat envahi. L’abstraction pourrait-elle être une forme de syndrome de Diogène pictural ? Cannibalisant des souvenirs de formes et de couleurs, assemblés et mélangés dans les transparences de la peinture. L’accumulation de chaque forme, de chaque de couleur, de chaque tonalité musicale crée la cohérence sonore et la perception visuelle d’un ensemble homogène, harmonieux ou dissonant selon l’intention de l’écriture, se répondant dans les interstices des silences, des un·es et des autres.
Certaines personnes comblent le vide par la parole afin de créer un lien constant avec l’autre, comme si le silence altérait le lien entre les corps et les esprits. D’autres, apprécient le vide entre elles et eux. Ils et elles s’entendent dans un vide sonore partagé, qui ralentit la discussion. Ce silence crée un lien dans la réception d’informations issues de la discussion, qui précède celui-ci. L’espace vide est une des conditions de la relation que Romain Bobichon crée avec ses peintures. Il devient un seuil entre lui et elles, entre elles, entre elles et nous.
Liza Maignan