Herve BREHIER
Né en France en 1968 - Vit en France
Diplômé de l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole, Hervé Brehier pratique une sculpture fondée sur l’utilisation de matériaux de récupération, objets trouvés que l’artiste assemble, aboute, n’en modifiant que très peu l’aspect originel. Le processus importe car il positionne ses œuvres du côté d’une poétique du matériau, de l’assemblage, de l’équilibre précaire, de la tension, inscrivant sa pratique au sein d’une famille qui rassemblerait autant Daniel Dezeuze que Marc Couturier ou Stephen Maas. Si certains codes de la sculpture minimaliste américaine sont employés, c’est toujours dans la perspective de leur projection vers une catégorie impure au sein de laquelle sont utilisés d’autres codes et d’autres paradigmes historiques (Arte povera, Support-Surface, ready-made, etc.). Si la simplicité et la raréfaction du geste semblent de mise dans cette pratique, c’est donc pour mieux perturber la lecture qu’intiment ces œuvres qui relèvent d’un brassage historique et de références à l’histoire de la sculpture dont la rencontre s’opère selon un réglage fin. La volonté est donc autant de vouloir intégrer cette pratique au sein d’un champ historique que de chercher à s’en extraire, non sans une certaine forme d’humour parfois, non sans accepter aussi qu’une dimension narrative puisse se glisser subrepticement dans la manière dont les sculptures peuvent être envisagées. Ainsi, Sans titre (Distorsion) engage-t-elle une lecture polysémique dont le sous-titre «distorsion» donne déjà l’indice. L’œuvre est la déclinaison en sept stations d’un assemblage entre deux matériaux relativement usuels – des cagettes et de la chambre à air – dont les propriétés physiques sont détournées. La cagette perd sa fonction de contenant pour devenir le contenu de la chambre à air. La chambre à air, découpée en lanières, a perdu son statut pneumatique industriel mais retrouve son sens étymologique le plus littéral – le souffle, la respiration – dans la force de compression et, pourrait-on dire, d’asphyxie qu’elle exerce sur ces cagettes que l’on peut métaphoriquement assimiler à des cages thoraciques ou à des têtes. Le «sans titre» de ces sculptures abstraites peut aussi basculer vers la double «distorsion» de leur forme et de sens, ajoutant au brassage des références discrètes une circulation subtile de significations allusives.
Jean-Charles Vergne