Frédéric CASTALDI

Né en France en 1964 – Vit en France

Frédéric Castaldi s’affirme comme peintre, ses autoportraits ne tiennent pas du « photo-réalisme » dans le sens où il ne s’agit ni de photomontages, ni de manipulations infographiques. Les images (icônes) sont peintes et se donnent comme telles ; elles sont des fictions et c’est à cette condition qu’elles peuvent être efficientes. En une manière de clin d’œil, le peintre nous révèle l’élaboration de ses tableaux (la fabrication) et le second degré évident qui les habille. C’est dans ce qu’il y a d’artifice et de distanciation que cette série trouve sa dimension critique.
Les Vanités se composent de vingt toiles, seize d’entre elles sont assemblées en diptyque, quatre sont d’un format supérieur et pourraient fonctionner isolément. Les diptyques établissent des parallèles, font sens par le rapprochement incongru de deux images. Dans les quatre toiles les plus grandes, les données se superposent, la fusion s’opère entre deux univers, entre la dimension fictionnelle et un certain réalisme. L’usage d’un fond monochrome, unique pour l’ensemble des peintures, tend à décontextualiser des icônes qui finissent par constituer une sorte de musée imaginaire dépassant largement le simple champ de l’histoire de l’art. Le thème de l’autoportrait, comme la technique de la peinture sur toile ou la construction en diptyque, font écho à l’histoire de la représentation depuis la Renaissance. L’autoportrait est toujours un miroir qui, tout en recueillant l’image de l’artiste, nous incite à une méditation plus universelle sur le « drame » d’être au monde. L’humour caustique cède là où l’image devient révélatrice de nos fantasmes. Frédéric Castaldi s’empare des corps et du poids mythologique de tout ce que l’occident compte d’archétypes masculins (de clichés mâles). Par delà l’autodérision c’est bien notre mémoire culturelle qui est convoquée.
Cette suite de toiles fonctionne d’autant mieux qu’il s’agit justement d’une série. Le seul invariant de ces images est le visage du peintre ; les corps, eux, sont des emprunts et font la démonstration que les symboles de la masculinité ne se sont que peu modifiés de la plus haute antiquité jusqu’à nos jours. Les attributs peuvent varier (de l’évocation des demi-dieux aux dieux du stade ou de l’écran contemporain) l’attente est toujours celle de la performance (plus loin, plus fort, plus haut) et de la « puissance ». Le corps est spectacle parce que spectaculaire.
De Thésée à James Bond en passant par les champions de culturisme, ces personnages ont intégré notre culture par les canaux de l’éducation ou des loisirs (littérature, télévision, bande dessinée, cinéma, etc…). La dimension sociologique des œuvres de Frédéric Castaldi témoignent de cette confusion, de ces mélanges qui sont aussi ceux de la « société du spectacle ». Malgré leurs similitudes, les visages nous conduisent à lire les corps qui les accompagnent comme appartenant malgré tout à des êtres différenciés. Faut-il y voir uniquement une dimension fantasmagorique ou doit-on s’interroger sur la question, devenue brûlante aujourd’hui, des manipulations génétiques et du clonage ? Ces vanités ne sont plus seulement les memento mori du XVIIème siècle mais bien plus les modèles, les stéréotypes, dictés à chacun et qu’il est plus ou moins possible d’assumer. L’humour et la dérision sont souvent les formes masquées du tragique.

Jean-Paul Dupuy