Jean CEREZAL-CALLIZO

Né en France en 1967 - Vit en France

L’essence de l’homme, mélange d’eau et de fixateur, s’écoule dans un bocal de verre… A l’instar d’Alain Fleischer, son maître en sensibilité, Jean Cérézal-Callizo saisit des moments d’irréel pour mieux situer chacun au cœur de sa propre chronologie, de la naissance à la mort, espace temps adéquat pour s’interroger avec pertinence sur les mystères de l’univers. En un exode d’expérimentations jubilatoires, l’artiste explore les territoires de l’image du connu vers l’inconnu, du socle solide aux marges aventureuses, des classiques tirages noirs et blancs sur papier à l’émulsion liquide sur verre ou sur toile, des installations photographiques aux performances vidéo… Jusqu’à s’évanouir parfois dans la peinture. Indépendamment du médium, il exulte dans l’acte créatif, s’exalte dans le faire, s’engouffre entièrement dans les dimensions parallèles par lui révélées, s’exclut au point de ne plus être, pour mieux délivrer dans la spontanéité d’un seul mouvement une expression directe, totale, pure, libérée de toute tentative même involontaire d’esthétisation. Néanmoins, la caméra lui offre l’opportunité de s’échapper de l’objet plan, figé ou narratif, seule limite, à ses yeux, imposée par la photographie, pour transcrire sur un bloc-notes plus précis, ses commentaires, son appréhension de la marche du monde.
Inscrit dans une série, Retrato 3 relève du portrait. A l’origine, le portrait métaphysique d’un échec générateur de désespoir. Au final, le portrait d’une renaissance annonciatrice d’un relatif espoir. En une pluie ininterrompue, légèrement ralentie, rythmée par une musique électronique, des gouttes de sperme projetées pénètrent l’eau assombrie d’une carafe sphérique, utérus vide de tout ovule, métaphore de l’infécondité. Très rapidement se dessinent cependant des méduses. Génération spontanée, les micro-organismes prennent corps. Certains, trop faibles, s’échouent au fond de la matrice de verre. D’autres produisent des bulles. D’autres enfin remontent à la surface, animés par la nécessité ou l’envie de respirer. A la grande surprise de l’artiste, l’œuvre pensée illustration d’un manquement à la reproduction s’émancipe pour s’affirmer symbole de création, de la création artistique mais essentiellement de la Création, l’apparition de la vie. « La vie, c’est la matière, le mouvement, le vide. Filmer la vie, c’est filmer la naissance, l’évolution, la mort. » Ses travaux s’ordonnent autour de cette pierre angulaire à trois faces création/développement/disparition. Souvent, Jean Cérézal-Callizo sacralise l’ultime moment précédant la transformation finale. Au contraire, avec Retrato 3, il s’approche au plus prêt du premier acte. La sensation positive s’interrompt malheureusement très rapidement. Brutale, l’évidence s’impose. En permanence interpellé par les questions d’économie, de droits de l’homme ou d’écologie, le plasticien en quête de perfection invente des nouveaux mondes car il s’inquiète de l’avenir d’une planète trop imparfaite. Sa réponse envahit l’écran, cinglante. « Le vivant, au sens cellulaire, a des chances de survivre quand disparaîtra le peuple des humains. » Son art s’accomplit alors pleinement dans une recréation née de la contemplation, la méditation puis la dénonciation. L’art philosophique et politique d’un homme obnubilé par la vie. La vie physique. La vie spirituelle. Le sens de la vie. Sa poésie et son chaos. Ecce homo.

Eric Fayet