Isabelle CHAMPION MÉTADIER

Née en France en 1947 - Vit aux Etats-Unis et en France

Depuis ses débuts dans les années 70, Isabelle Champion-Métadier s’attache à une pratique picturale qui soit à la fois libérée de tout dogmatisme – qu’il s’agisse de celui de la composition ou de l’abstraction gestuelle – et axée sur l’image en tant qu’apparition. Imprégnée, pendant les quinze premières années de son activité de peintre, des expérimentations françaises sur le matériau et le support telles qu’elles sont menées par le groupe supports-surfaces mais également influencée par les percées musicales contemporaines, tout particulièrement celle de la musique répétitive pratiquée par Philip Glass et Steve Reich, Isabelle Champion-Métadier va d’abord développer une pratique à partir de l’idée de la trace, de l’inscription sérielle, de la répétition du geste comme index du temps de la peinture. Va poindre néanmoins, assez vite, derrière cette peinture un peu trop instruite qui décode et décline en quelque sorte les modes d’inscription picturaux dans la recherche, déjà, d’un inattendu (empreintes, imprégnations à l’éponge etc.), un désir de force sinon incontrôlée en tout cas « à contrôler » dans son rapport au tableau. Un désir de véritable confrontation physique et existentielle avec le tableau qui a une part de son origine dans la fascination durable qu’exerce sur l’artiste française l’expressionnisme abstrait américain et particulièrement Jackson Pollock. En 1993, Isabelle Champion-Métadier transpose ponctuellement son exploration de l’index, de la visibilité de la trace, dans le champ de la pratique photographique. Elle exécute une série de clichés d’écorces d’arbre qui contribuera à lancer sa peinture dans la voie qu’elle a prise jusqu’à aujourd’hui. La découverte, par le biais des agrandissements qu’elle effectua de certains détails photographiques, d‘une foultitudes de formes et de matières qu’elle n’avait pas imaginées, l’a confortée dans l’idée que sa peinture devait être essentiellement le lieu de cet avènement de formes imprévisibles, d’ « évènements sans identité » tel qu’elle l’explique joliment, qui déclenchent l’imaginaire, réveillent des liens enfouis entre le vécu et les choses. Elle s’attache ainsi à travailler des formes qui s’imposent comme telles, ne représentent qu’elles-mêmes, ne s’inscrivent plus dans un registre familier. Des formes qu’elle laisse monter en elle jusqu’à leur ultime manifestation sur la surface du tableau. Elle met en place pour ce faire un dispositif astreignant de matières pigmentaires qui interagissent dans une durée variable avec des résultats chromatiques sans certitude.
La série des Entertainment systems dont fait partie Sans Titre, 2002, démarrée à son arrivée à New York en 1996 est exemplaire de la force que dégage l’image issue de cette maîtrise de l’incontrôlé. A l’évidence injonctive de ces figures improbables, tant sémantiquement que picturalement, s’ajoutent la charge allusive, qui débride l’imaginaire, et le mystère de matériaux aussi indicibles que l’imagerie qu’ils produisent est ineffable. Ces tableaux offrent le paradoxe impressionnant d’une matière picturale dense, à la fois tendue vers l’expansion et figée, et d’une figure déliée et fugace. Dans ces formes en suspens, l’artiste concentre également des multiples fragments d’expérience. On ressent dans cette série en mouvement, la vitesse et l’énergie qui caractérisent le contexte new yorkais où elles ont été exécutées. Le mode de réalisation qu’elle a choisi – cette confrontation directe et dans l’urgence avec la surface du tableau où elle déverse les concoctions qui vont finalement produire l’image sans qu’aucun repentir soit possible – est sa façon d’amener le monde dans sa peinture : ses contours, ses axes de force, ses couleurs, ses matières, ses signes, tels que son esprit les capte, avant la pensée. C’est un monde qui s’ouvre également au spectateur qui y trouve, ou y met, ce que les éléments constitutifs de son propre répertoire mémoriel lui suggèrent. Ainsi, le tableau du FRAC Auvergne peut évoquer un personnage assis, féminin et imposant, sévère et mature. Madame Cézanne telle qu’en son portrait par le maître ? Ce jeu interprétatif auquel se prête la série très ludique et joyeuse n’a rien d’anecdotique. La peinture complexe et travaillée de Champion-Métadier a une force d’immédiateté qui fait surgir en nous un regard à la fois impensé et chargé de tous les souvenirs du monde. Un regard miroir.

Ann Hindry