Hélène DELPRAT
Née en France en 1957 - Vit en France
Le séjour d’Hélène Delprat à partir de 1982 à la Villa Médicis marque une rupture avec ses années passées à l’Ecole des Beaux-Arts. A Rome, elle rejette rapidement tout rationalisme, toute parenté avec des mouvements esthétiques ; elle fait un voyage à rebours dans la peinture et la nuit de son enfance pour faire surgir un monde primitif peuplé de loups, de chasseurs, dont elle peint le cycle de vie, de l’accouplement à la mort. Sous un ciel crépusculaire, au milieu d’une savane verte bleutée, elle crée un univers merveilleux, effrayant et mystérieux. Dans ses toiles, on retrouve des références africaines ou préhistoriques, pourtant l’artiste ne s’inspire pas d’une ethnie ou d’une époque précise mais d’un compost de souvenirs, de lectures, de clichés de voyages, dont elle tire un « esprit primitif » qui lui appartient. Elle brasse des éléments iconographiques et multiplie les moyens et les supports, gravures, soies, découpages… II n’y a pas de dé, de texte initiatique qui soit nécessaire pour comprendre la peinture d’Hélène Delprat.
Une vaste exposition intitulée « Jungles et loups » regroupant les œuvres de l’artiste exécutées à la Villa Médicis fut présentée à Rome en 1984. Dans la série Initiation qu’elle expose l’année suivante, l’espace, en s’assombrissant, se peuple de guerriers, de silhouettes animales ou humaines réduites à quelques traits. Puis peu à peu sa peinture se durcit, devient moins complaisante, des symboles ésotériques ou macabres envahissent ses toiles.
Craignant que son œuvre ne devienne répétitive ou décorative et perde sa force, Hélène Delprat prend parfois quelques distances avec ses pinceaux. C’est ainsi qu’elle réalise des « Installations » comme celle qu’elle fit autour du tombeau de Juliette à Vérone et au FRAC Auvergne à Clermont-Ferrand en 1989. Elle y a recours à la photo, à l’écriture, au dessin et au découpage, reprenant des thèmes iconographiques médiévaux. L’ensemble de ces éléments et leur association ne s’apparente pas à l’idée d’installation mais davantage à celle du théâtre ; l’usage des tentures, de l’éclairage et de l’ombre, la construction de l’espace en évoquent irrésistiblement l’esprit. Mais cette dimension théâtrale, à travers laquelle la peinture se fait d’une certaine façon tridimensionnelle, est moins de l’ordre du décor que de la représentation elle-même.
Hélène Delprat utilise les données de l’inconscient. Puis, par une conception rigoureuse et une grande liberté de la main, elle peint des formes qui dérivent de l’art primitif, de l’art brut, des dessins d’enfants. Elle élabore ainsi un langage émotionnel, dont certains mots nous échappent peut-être mais dont le sens général éveille notre sensibilité. Nous percevons ainsi très nettement le caractère funèbre de cette composition. Il y a des aspects non apprêtés, artisanaux dans cette toile, une pâte grumeleuse, un noir de suie, des tissus grossiers. Ce traitement pictural est peut-être destiné à réduire la distance qui sépare le tableau de son sujet, le primitivisme des moyens employés serait alors à l’image de la réalité – ou de l’imaginaire – qui y est mis en scène. Le tableau en retire une apparence intemporelle, qui ne se réfère ni à un style, ni à une époque, mais à notre propre vie et à notre propre mort.
Nicolas Chabrol