Anne-Marie FILAIRE

Née en France en 1961 - Vit en France

L’Espace à franchir
Faut-il inclure les œuvres ici présentées dans le genre – que l’on suppose toujours bien défini – du paysage ? Le parcours photographique d’Anne-Marie Filaire y inciterait : de l’Espagne à l’Irlande en passant par ses travaux en cours sur les volcans d’Auvergne, la préoccupation est « paysagère », dans le sens, le plus souvent accordé aujourd’hui à ce mot, d’une recherche de sens à donner aux espaces traversés, rencontrés (voir la photographie « phénoménologique » d’Alain Berque ou la sociologie vécue d’un Pierre Sansot). Dans cette quête du sens, c’est la revendication du point de vue subjectif qui fait le paysage. C’est même, à la limite, le seul passage à l’acte photographique – le photographe aurait pu ne pas s’arrêter, mais, justement – qui fait qu’il y a du paysage plutôt que rien. Incontestablement, c’est là la voie, celle d’une implication forte du sujet vis-à-vis de son objet, d’Anne-Marie Filaire.
Mais l’Espace à franchir indique, d’abord par son titre, qu’il s’agit d’autre chose. Le travail n’a pas d’intérêt documentaire : les lieux ne sont guère identifiables dans leurs paramètres géographiques. Ils sont en fait trop singuliers pour être repérables. Comme, de plus, Anne-Marie Filaire les traite photographiquement de façon très primitive (sténopé), ce qui est privilégié c’est la puissance fictionnelle, évocatrice des lieux : plus (ou moins ?) qu’un paysage c’est un espace balisé, dessiné aux dimensions du souvenir, forcément ténu, fragile, quasi indicible. Ce sont des arbres (qui cachent la forêt ?) comme autant de mégalithes hissés, porteurs des mêmes signes, de ceux qui signalent tout à la fois l’attachement aux puissances terrestres, et le désir d’élévation. L’espace à franchir : la photographie, à travers l’ombre, ouvre à la lumière et la nature s’y métamorphose.

Patrick Bernier

Naplouse
« Je m’intéresse à la notion de temporalité dans la représentation du paysage. J’explore des temporalités psychiques entre chronicité et histoire et des temporalités culturelles à travers l’Orient (l’Islam au Yémen) et l’Occident à travers ma propre culture. Cette recherche sur la perception du temps à travers sa représentation dans le paysage m’a conduit à l’élaboration d’une œuvre sur les espaces traumatiques et les pays en processus de paix. Ces scènes constituent des espaces géographiques qui sont le champ de mon expérimentation et de ma réflexion. Je travaille plus particulièrement dans les zones dites frontières au Proche-Orient et au Moyen-Orient mais aussi en Asie du Sud-Est, en Afrique de l’Est et en Europe. Israël-Palestine. J’écris sur une frontière dont l’opacité bouleverse le regard. »
« Mon travail photographique ne tient pas du reportage mais s’apparente à une attitude de documentariste. Je m’intéresse à l’évolution des espaces et mes photographies sont majoritairement consacrées à des entre-deux, des zones tampons, des zones frontières, dans lesquelles, même si aucun habitant n’est présent, les traces de l’activité humaine saturent l’espace. Sous la forme d’un constat, mes images montrent avant tout la structure mouvante d’un territoire en évoquant le paysage dans sa dimension politique ».

Anne-Marie Filaire

Cette photographie prise à Naplouse en 2006 au moment des élections qui ont porté le Hamas au pouvoir est une image symbolique très forte. Les élections démocratiques qui se sont tenues sous haute surveillance internationale ont vu leur résultat rejeté par l’ensemble de la communauté internationale. Le 25 janvier 2006 ont lieu les élections législatives palestiniennes pour élire le nouveau Conseil législatif palestinien (dont la dernière élection date de 1996, en raison d’un scrutin repoussé à plusieurs reprises à cause du conflit israélo-palestinien). Jusque-là, cette assemblée était dominée par le Fatah (mouvement de libération de la Palestine dirigé par Yasser Arafat puis Mahmoud Abbas). La principale opposition au Fatah est le mouvement islamiste Hamas qui avait boycotté le scrutin de 1996 (le Hamas ne reconnait pas à Israël le droit d’exister comme Etat juif et juge donc illégitime l’Autorité palestinienne). En 2006, le Hamas remporte ces élections avec 56 % des suffrages, ce qui lui confère une majorité parlementaire de 74 sièges sur 132. Cette victoire du Hamas effraie la plupart des gouvernements occidentaux qui le considèrent généralement comme un groupe terroriste. Ces gouvernements sont également ceux qui apportent la plus grande partie de l’aide étrangère dans le budget de l’Autorité palestinienne. Ce résultat est perçu comme un net retour en arrière par les gouvernements étrangers qui jouaient le rôle de médiateurs pour le conflit israélo-palestinien. Les États-Unis ont déclaré qu’ils ne traiteraient pas avec le Hamas tant qu’il ne renoncerait pas à la lutte armée et qu’il ne reconnaîtrait pas le droit à l’existence pour Israël, ce qui est en contradiction avec la charte actuelle du mouvement.