Patrice GIORDA

Né en France en 1952 - Vit en France

Patrice Giorda est né à Lyon en 1952. Remarqué très tôt, notamment dans la sélection internationale de la XIIIème Biennale de Paris en 1985, il n’a cessé d’affirmer sa singularité de peintre au sens classique.
Sa figuration, loin des avant-gardes qui tournent le dos à la Peinture, demeure néanmoins absolument contemporaine. Sa représentation symbolique de la nature ou de l’homme dépasse les simples paysages, scènes, portraits ou natures mortes. La réalité est enrichie par la mémoire et la permanence d’une quête que Giorda qualifie comme un « creusement de l’être ». Avec une grande exigence formelle, spirituelle et poétique, Patrice Giorda mêle réel et imaginaire, universel et singulier. Il accorde l’inaccordable : les beautés éclatantes de la lumière et des couleurs et la profondeur des ombres de la solitude.

Patrice Giorda

Patrice Giorda est un peintre de la lumière. Il suffit de regarder les trois tableaux représentants Santo Spirito pour voir le soleil lentement décliner, le ciel se teinter de mauve, le bâtiment s’enfouir dans l’ombre, son toit pâlir et l’eau verdâtre bleuir et s’assombrir. Quelle est cette relation perpétuellement changeante qu’entretiennent l’eau et le ciel, semble se demander Patrice Giorda, et que devient l’entre-deux que ces deux espaces définissent : là où nous vivons ? A ces questions poétiques, seule une proposition poétique peut apporter un début de réponse forcément personnelle puisqu’il s’agit ici, pour l’artiste, d’approfondir sa relation au monde, de la comprendre chaque jour un peu mieux et de libérer sa sensibilité afin de débarrasser la lumière qu’il porte en lui des scories qui en masquent encore les subtilités. Cela ne peut se faire sans risques ni sans frayeurs, puisque aucun truc ne vient détourner le peintre de lui-même. « Le tableau passe toujours par des phases de destruction où son issue est incertaine, où la peur d’échouer et l’ennui guettent. La peinture demeure une expérience de vie et non une fabrication », écrit Giorda.
Alors, elle nous éclaire le monde.

Olivier Cena, « Recommencer autrement », 2007

Empruntant le savoir classique d’un Greco ou d’un Goya – avec ses ombres ourlant fortement les volumes – les tableaux de Giorda ne sont pas aisés à situer dans notre modernité, nous qui avons pris l’habitude de voir de l’art comme une fiction née de la surface vierge de la toile. « C’est une erreur, écrit le philosophe Gilles Deleuze dans son essai sur la peinture de Francis Bacon, de croire que le peintre est devant une surface blanche. La croyance figurative découle de cette erreur : en effet si le peintre est devant une surface blanche, il pourrait y reproduire un objet extérieur fonctionnant comme modèle. Mais il n’en est pas ainsi. Le peintre a beaucoup de choses dans la tête, ou autour de lui, ou dans l’atelier (…). Tout cela est présent sur la toile, à titre d’images, actuelles ou virtuelles, si bien que le peintre n’a pas à remplir une surface blanche, il aurait plutôt à vider, désencombrer, nettoyer ». Selon cette remarque assez pertinente de Deleuze, Giorda ne peint pas, il désencombre par des images familières.
Voilà peut-être pourquoi nous sommes un peu perdus dans ces lieux qui ne nous sont pas communs : Giorda fixe au regard de celui qui observe ses tableaux un seuil qu’il ne peut dépasser. L’œil bute sur le ciel trop bleu et se perd dans l’espace. C’est une distance qu’imposent les contre-jours et les perspectives, tantôt ouvertes, tantôt fermées. Un va-et-vient du connu et de l’inconnu que le peintre romantique Caspar David Friedrich savait à merveille décrire, avec des tableaux de falaises abruptes ou des rivages au large horizon qui nous étonnent encore. L’artiste allemand, qui ne peuplait ses paysages que de très rares personnages (et le plus souvent dépeints de dos), avait l’habitude d’expliquer, pour commenter son œuvre vertigineuse, que « le monde a autant de formes qu’il y a d’yeux pour les observer ».
Giorda semble presque reprendre ce dialogue avec la peinture du passé : « L’image, écrit-il, est toujours de l’ordre du dessin : il faut prendre le risque d’en perdre les structures et la représentation pour pénétrer dans le monde de la peinture, afin de retrouver son sujet, mais de l’intérieur cette fois. La lumière naît quand la couleur cesse d’exister pour devenir espace. » Au-delà de la volée de marches peintes ou de la petite arche de pierre nichée dans l’ombre violette, le souvenir d’un enfant se cache. Seul le peintre en connaît les détours. Et les secrets.

Laurent Boudier, « Retour au pensionnat », 1996

(source des extraits de textes : www.giorda.fr)