Edi HILA

Né en Albanie en 1944 – Vit en France

Du fait des événements historiques et politiques en Albanie, les premiers travaux de Edi Hila n’atteignent une réelle visibilité qu’en 1990. Fondés sur une esthétique moderniste, ils s’attachent aux thèmes sociaux que l’artiste traite d’un point de vue très personnel. Après une très courte période d’abstraction, l’artiste s’est ensuite consacré à la représentation de la figure humaine et a réalisé une série de portraits tragiques de son propre fils (The catwalk of tragic portraits).
Les tableaux de paysages et d’architecture que Edi Hila réalise à partir de 1999 constituent non seulement une nouvelle phase de la peinture contemporaine albanaise mais aussi un tournant important dans l’œuvre de l’artiste. Ils sont caractérisés par l’absence évidente de la figure humaine ; ne sont visibles que les traces d’une activité humaine sous forme de mystérieuses constructions non achevées. Aucune de ces structures architecturales n’a de logique fonctionnelle claire. Ainsi l’artiste illustre-t-il, voire critique-t-il, dans ce qu’il appelle des « portraits d’architecture », la situation politique et urbanistique de l’Albanie d’aujourd’hui : un pays en transition où le développement (ou la disparition) des choses peut se décider du jour au lendemain. Comme l’artiste le dit lui-même : « il est impossible de rester indifférent face à cette situation étrange : une architecture qui fonde ses propres règles et invente des structures qui changent le paysage naturel ».
Landscape with pool fait suite chronologiquement à cette série de tableaux d’architecture. La présence de la figure humaine revient, ce qui est nouveau, mais elle n’a sans doute plus qu’une fonction symbolique. Dans un paysage aux couleurs d’automne, un enfant joue à une table de billard. A cause d’une vue légèrement en contre-plongée, la position des boules de billard reste cachée au spectateur. La table, massive, en forme de bahut ou d’armoire, fait penser à un fronton de temple posé sur quatre colonnes : elle renvoie à une architecture militaire, au fortin. La source de lumière, très basse, produit des ombres portées fortement dessinées. On ne sent aucun souffle d’air et la scène semble comme arrêtée. Comme dans ses portraits d’architecture, on ne trouve, ici non plus, pas d’explication logique à la présence d’une table de jeu dans le paysage. Avec cette combinaison d’éléments à caractère surréaliste, ainsi qu’avec des effets picturaux qui font référence à la « pittura metafisica », Landscape with pool devient un symbole des décisions politiques fréquemment arbitraires dans l’Albanie d’aujourd’hui.

Julia Garimorth