Karim KAL

Né en Suisse en 1977 - Vit à Lyon

La pratique photographique de Karim Kal s’inscrit dans une démarche documentaire. S’intéressant aux territoires en relégation, il développe un travail sur la lumière pour créer de l’incertitude dans ces espaces contraints, questionner les rapports d’autorités et luttes de pouvoirs qui s’y exercent. Avec un dispositif de prise de vue nocturne au flash, faisant tendre l’image vers l’abstraction, il relève des marqueurs sociaux, culturels et politiques inscrits dans l’architecture urbaine.

La série Kosmos empreinte son titre au roman de Gombrowicz « Cosmos » paru en 1965. Dans ce livre, sorte d’enquête policière digressive dans la campagne polonaise, l’auteur s’appuie sur des descriptions du réel vertigineusement détaillées appréhendé par le biais fantasmatique des deux principaux personnages. Le descriptif devient la matière exclusive et inépuisable des projections subjectives des deux protagonistes. La précision, l’abondance de détail, l’objectivité des observations accentue l’infondé de leurs interprétations. Ce livre constitue ainsi une puissante fable critique de l’arbitraire.

La série de 46 photographies Kosmos a été réalisée en 2020 au centre psychothérapique de l’Ain, à Bourg En Bresse. S’intéressant à la ségrégation spatiale qui structure l’hôpital, à l’isolement du site vis à vis de l’extérieur, à la mise à l’écart de la société, au cloisonnement interne en fonction des pathologies, de l’âge des patients, à leur dangerosité potentielle vis à vis d’eux même et des autres, Karim Kal a réalisé une série de vues frontales très détaillées de murs intérieurs et extérieurs de l’hôpital, à la chambre 4/5 inch, dont les choix ont été dictés par les différentes textures et couleurs des murs. Ce point de vue face au mur pour les internes constitue un point de vue naturel et quotidien.

Les images sont réalisées de jour, et un faisceau de flash circulaire vient géométriquement rediscuter la planéité du mur, le rectangle du cadrage. La lumière est façonnée avec un dégradé de contraste très progressif, qui vient créer une forme de profondeur ou de relief sphérique à la surface du mur. Les frontières absolues que matérialisent et représentent les murs des chambres, des bâtiments, de l’enceinte du site, sont interrogées par le parti-pris formel. L’abstraction des images invite à un questionnement sur l’enfermement comme stratégie de traitement des pathologies psychiatriques, et pour faire écho a la pensée de Michel Foucault, un questionnement sur l’appréhension de l’altérité dans nos sociétés modernes. Les images ont été réalisées avec un groupe de patients de l’hôpital qui ont été chargés d’identifier les différents murs, leur qualité, leur couleur dans des espaces souvent inaccessibles aux visiteurs extérieurs et qui ont accompagné et assisté l’artiste lors des prises de vue.