Rinko KAWAUCHI
Née en 1972 au Japon. Vit à Tokyo.
Rinko Kawauchi consacre son art à l’expression d’une gratitude envers la nature vécue comme miraculeuse dans son équilibre de formes, de motifs, de couleurs. Photographiant une fleur, un cerisier du Japon ou l’éclat d’un rayon solaire perçant la canopée d’une forêt, elle magnifie une vision imprégnée de shintoïsme menée par un assentiment pour le monde dans sa poésie la plus immédiate. Ses images sont pures, exaltent la sérénité et la fragilité, effleurent la beauté sans toutefois refuser l’affleurement d’une anxiété discrète : le monde est beau mais sa beauté est volatile, provisoire, chétive comme l’est un poisson happant son oxygène à la surface de l’eau. Peut-être faut-il comprendre ces images dans leur relation possible avec l’art poétique du haïku et sa capacité singulière à exprimer les émotions simples, l’écoulement du temps, l’émerveillement pour le fugitif et l’harmonie. Je songe au poème de Matsuo Bashō qui fut le maître de cet art au XVIIe siècle : un vieil étang / une grenouille qui plonge / le son de l’eau. La proximité avec les photographies de Rinko Kawauchi est ostensible, dans une apparente simplicité comme dans l’éclosion d’une ambivalence fondée sur la complétude des choses. Le saut de la grenouille bouleverse l’étang calme mais la grenouille fait partie de l’étang : elle est l’étang comme l’étang est la grenouille. La grenouille, l’étang, l’eau, le clapotis de l’eau fondent un monde. Les deux carpes koï qui prennent leur air à la surface de la mare sont carpes, eau, tumulte, air, motifs solaires dans le bassin limpide. Les arbres reflétés sur le miroir de l’étang scellent une communauté naturelle indissociable – ce qu’avait magnifiquement perçu Claude Monet à Giverny. Il ne s’agit pas de l’association des arbres et de l’eau mais d’une totalité : les arbres, l’eau, les reflets, la lumière, le trouble.
Jean-Charles Vergne