Julien LOMBARDI

Né en France en 1980 - Vit à Marseille et Mexico

Avec les outils associés de la photographie et de l’anthropologie, Julien Lombardi a installé depuis 2017 son laboratoire d’expérimentation visuelle sur un territoire enclavé dans une vallée désertique du centre du Mexique. Wirikuta est la terre des mythes fondateurs et de nombreuses divinités pour les Indiens Huichols qui, chaque année, y viennent en pèlerinage pour honorer la naissance du soleil et du feu en accomplissant des cérémonies chamaniques. Ce territoire sacré est aujourd’hui mis en danger par les industries minières, agricoles et touristiques. Tous les stigmates de la colonisation et de la globalisation, sans restriction, s’expriment dans cette zone-frontière de ressources pour le capitalisme extractiviste. Comment survivre à ces conditions de production du monde actuel, où les activités humaines concourent à l’assujettissement et la destruction irrémédiable ? Comment représenter ces phénomènes avec l’appareillage photographique qui est lui-même, techniquement et chimiquement, lié à l’extraction des minerais et ressources naturelles ? Plutôt que d’idéaliser ou d’exotiser le Mexique et ses habitants, et en étant conscient des risques liés à l’appropriation culturelle, il s’agit pour l’artiste de dépasser la dénonciation des catastrophes et de créer un autre espace, associant formes documentaires et poétiques, pour proposer une autre narration du monde, dans une logique décoloniale. Il associe pour cela différents outils et actes photographiques, par le prélèvement et le constat, en tirant un parti plastique de la contamination de ses images par le soleil, la poussière et le lieu même. En déplaçant l’objectivité du langage documentaire, Julien Lombardi informe ses images d’un réalisme fantastique, afin de nous permettre d’entrevoir ce qui échappe à la représentation : le magique et l’invisible – en somme, tout ce qui relie les différentes formes de vie associées en un lieu dont la mise en péril met en évidence leur propre fragilité. Cette poétique paradoxale permet de raviver la sensibilité du regard porté sur un paysage naturel et social compris comme acteur vivant d’un monde en friction.

Pascal Beausse