Jean-François MAURIGE
Jean-François MAURIGE
Né en France en 1954 – Vit en France
Depuis 1983, Jean-François Maurige peint sur des tissus rouges. Ces tissus rouges agrafés au mur sont recouverts d’une couche de peinture blanche, peinture que l’on utilise en général comme fond. Ce recouvrement laisse apparaître une touche visible qui bien qu’apposée mécaniquement, n’a pas la régularité d’un aplat sur lequel on se préparerait à peindre. La couche de peinture n’oblitère pas totalement le rouge sous-jacent, mais le laisse transparaître. Le résultat n’est pas un apprêt mais une couleur chargée de l’énergie de la touche de ce recouvrement initial et une touche chargée de l’intensité chromatique du rouge. Ainsi que l’artiste l’affirme : « le recouvrement blanc, plus ou moins blanc, habituellement utilisé comme préparation de fond, entre en relation avec le rouge de la toile pour sensibiliser la surface et activer la production de formes, potentiellement présente dans le plan ainsi esquissé1. » C’est ainsi que la peinture peut réellement commencer.
Sur ce plan, Jean-François Maurige peut intervenir par un frottage central, des coups de brosse larges, ou des lignes, mais toujours dans une tonalité qui reste proche du rouge du tissu – du brun au rose en passant par des orangés – ou, parfois, noire, et, pour reprendre, encore une fois, Jean-François Maurige : « la perception de la relation entre la toile rouge et le recouvrement blanc s’effectue par les éléments graphiques tels que frottage central, taches, lignes, etc. Ces éléments graphiques matérialisés par différentes nuances de rouge accélèrent l’appropriation picturale des limites du tableau comme possibilité de peinture2. »
Ce dispositif peut sembler contraignant, mais il n’est, en dehors de la réduction de la gamme colorée, finalement, qu’un prélude à la peinture car aucun protocole, sinon le refus absolu de l’image, ne règle ce qui viendra par la suite. Format final du tableau, touche, rythmique de celle-ci, occupation par elle de la surface du tableau… rien n’est décidé à l’avance et aucune contrainte ne vient s’ajouter à celles qui règlent cette préparation et la présence de ce dispositif initial n’est jamais qu’une mise en route qui, parce qu’elle ne change pas, parce qu’elle n’a pas changé depuis maintenant près de 30 ans, permettra de mesurer les écarts d’une peinture à l’autre, de voir, par cette ascèse les déplacements qui s’opèrent.
Il s’agira, donc, de mesurer des écarts, écarts dans la composition, par des oppositions entre un nombre réduit d’éléments – depuis 1983 et pour les toiles seulement, comme il y a également, des œuvres sur papier, de 1 à 4, rarement plus – qui se retrouvent dans des formations elles-mêmes réduites : opposition entre une grande tache/forme verticale et une (ou des) tache/forme circulaire – ces deux éléments peuvent aller jusqu’à se réunir –, ou découpage de l’espace par des lignes verticales occupant toute la hauteur du tableau, ou ligne composée de segments de différentes couleurs partageant l’espace du tableau en deux parties égales, ou tache/forme occultant la grande majorité du l’espace du tableau ou, enfin, légères diagonales rythmant presque horizontalement l’espace du tableau – diagonales qui peuvent se croiser, ce qui est le cas de l’œuvre présente dans les collections du FRAC. Chacune de ces compositions se confronte à une problématique picturale : relation entre les formes, création de l’espace par la forme, parcours de l’espace par la forme, perturbation de la relation fond/forme, etc. et l’on comprend que cette réduction est l’ouverture à une richesse presque inépuisable du visible et du sensible, certes dans une austérité qui n’est pas très à la mode mais qui répond, à sa manière, au déballage égotiques des hypersensibilités narcissiques comme à ceux qui croient qu’illustrer la presse constitue un combat esthétique et social.
Eric Suchère
1 Jean-François Maurige, dans Mare Monstrum Marseille Revue revue n° 1, 1995, n. p.
2 Ibid.