Laurent MONTARON

Né en France en 1972 - Vit en France

«Ce qui m’a intéressé avec What Remains is Future, c’était de montrer un film stéréoscopique en utilisant la technique des couleurs complémentaires, rouge et bleu. Il s’agissait en quelque sorte de donner à voir un film qu’en vérité on ne pourrait pas voir tout à fait étant donné qu’il n’a jamais été question que l’on distribue des lunettes spéciales pour les projections. Par ailleurs, il y avait bien quelque ironie à représenter en 3D « nvisible» une des premières catas-trophes qui fut mondialement médiatisée, l’accident du Zeppelin Hindenburg en 1937. Techniquement, le film a été réalisé selon les méthodes et moyens des films de série B des années 50. Le dirigeable était une maquette suspendue à des fils, elle mesurait environ 1m50 et c’est la caméra (HD) qui se déplaçait autour. Il me semble que le dédoublement des couleurs crée un véritable effet d’étrangeté, amplifié par l’utilisation de la fumée dans laquelle apparaît le Zeppelin (fumée qu’on agitait avec de grands panneaux, tandis que, de mon côté, j’allumais l’incendie avec de l’essence…). Cette fumée devait renforcer le caractère abstrait et irréel de l’apparition du Zeppelin. Elle participait aussi de l’effet dramatique que j’ai voulu créer afin de donner à sentir un peu de la tension historique attachée à cet événement. L’idée était aussi de renvoyer à quelque chose de l’esprit des utopies qui ont donné naissance au Zeppelin ou au Concorde par exemple, et de montrer comment ces choses-là se sont abîmées…. […] L’idée selon laquelle le futur a une histoire est une chose que j’interroge tout particulièrement dans mon travail à partir des outils d’enregistrement du son et des images. La plupart des appareils que j’utilise sont des appareils datés des années 60 et 70. Ce qui m’intéresse, c’est l’obsolescence de ces appareils. Aujourd’hui, nous sommes à un tournant. Par exemple, les images enregistrées sur les bandes de cassettes magnétiques commencent seulement à disparaître maintenant. Cet effacement confirme que l’on en a bien fini avec l’ère pré-informatique. L’informatique a ouvert une voie nouvelle qui est venue relayer tous les outils antérieurs qui s’appuyaient sur des systèmes mécaniques. Aujourd’hui, la virtualité du calcul s’est complètement substituée à la mécanique. […] Quand on voit le Zeppelin dans le film, il ressemble à une espèce de cétacé, à un animal gigantesque et sans commune mesure avec les proportions humaines… Quand la France et le Royaume-Uni finançaient le développement d’un projet comme le Concorde, la question n’était peut-être pas seulement celle de la rentabilité. Aujourd’hui, il semble hors de question de mener un projet qui ne serait pas rentable. Finalement, le capitalisme a petit à petit grignoté l’esprit de l’utopie, seule compte la viabilité économique.1»

1- Laurent Montaron, entretien avec Teresa Castro et Jennifer Verraes, Le Silo, 2009. http://lesilo.blogspot.fr/2009/05/entretien-avec-laurent-montaron.html