Gloria OYARZABAL
Née en Grande-Bretagne en 1971 - Vit à Madrid
Gloria Oyarzabal est une photographe, vidéaste et enseignante espagnole née à Londres en 1971. Son travail a été présenté à plusieurs festivals, notamment : Format (Derby, Angleterre), LagosPhoto (Nigeria), PhotoEspana (Madrid) et au Musée de la photographie de Thessalonique (Grèce). En 2022 elle est invitée en tant qu’artiste-résidente à Gibellina Photoroad (Sicile, Italie). Elle vit et travaille à Madrid.
L’artiste développe sa pratique photographique sur la notion de déconstruction du regard. Elle pense la responsabilité politique, éthique et historique de l’art, capable d’éveiller les passions, de provoquer des débats, de revoir les récits racontés d’un point de vue unique. Gloria Oyarzabal ouvre un cinéma indépendant à Madrid consacré aux films expérimentaux (« La Enana Marròn » ou « La naine brune », 1999-2009) puis vit plusieurs années au Mali (2009-2012) et passe quelques mois au Nigéria (2017) où elle poursuit ses recherches sur les processus de colonisation / décolonisation, sur la construction d’une idée et d’une image de l’ « Afrique » et sur les différents féminismes africains. Dans le triptyque de la collection du Frac Auvergne (Queen’s throne, Control, Motherhood, 2019), issu de la résidence à Lagos (Nigéria), le dialogue des images crée un lien entre le passé et le présent et superpose les récits et les individus qui les rapportent. Chaque photographie évoque trois faces de la colonisation mentale et physique : l’empowerment, le contrôle, l’expérience de la vie en tant que femme. Elles font partie d’un projet publié en 2019, intitulé Woman Go No’Gree (éditions RM et Images Vevey), pour lequel l’artiste s’est penchée sur la société des Yorubas et sur la limite, voire le danger, à appliquer un féminisme occidental aux sociétés africaines. Chez les Yorubas, comme chez d’autres peuples africains, le privilège social n’est pas donné par le genre mais par l’âge et la lignée. Selon elle, un féminisme universel n’existe pas et il n’est pas possible de faire correspondre des notions de genre et de féminismes occidentaux à des traditions structurées de manières complètement différentes. Plus encore, il s’avère que le groupe ethnique des Yorubas aurait fondé une société qui n’était a priori pas sexuée avant la colonisation, davantage portée sur la généalogie et la descendance. Gloria Oyarzabal insiste sur l’importance de situer le regard, de le contextualiser et de comprendre la position sociale et culturelle de celui ou celle qui regarde par rapport à celui ou celle qui est regardé•e. En se référant à une imagerie produite par le XIXème siècle nourrissant la figure de l’Autre, elle rappelle la non-neutralité de l’artiste qui est redevable des œuvres qu’il ou elle crée vis-à-vis des sociétés qui le reçoivent. Dans un contexte de décolonisation, l’artiste se doit de ne pas alimenter un imaginaire collectif manichéen et de remettre constamment en question ses champs de recherche : elle pose des questions plus qu’elle ne donne de réponses. La photographe prend ainsi l’envers d’une regard voyeuriste et exotique sur la pauvreté des pays du Sud, pour privilégier des portraits lumineux de personnes ou de choses qui associent souvent une présentation crue à une composition simple et une dimension picturale dans le traitement des couleurs et des matières.
Elora Weill-Engerer