Marielle PAUL

Née en 1960 à Lyon, vit et travaille à Vannes

La peinture de Marielle Paul présente tous les signes de l’abstraction : des lignes sinueuses, des couleurs vives, des aplats, des formes délimitées, géométriques ou non… Les registres de chacun de ces actes picturaux sont hétérogènes et la composition de l’ensemble s’apparente davantage à un jeu de combinatoire qu’à une nécessité portée par ces actes eux-mêmes. Ainsi, le fond est divisé en cinq rectangles colorés (quatre sont des déclinaisons chromatiques proches, entre le gris-rose et le gris-bleu, et celui du centre est jaune) qui n’obéissent pas à une grille orthogonale, mais se raboutent irrégulièrement. Six formes plus ou moins rondes sont disséminées sur le format et, après coup, ces formes sont reliées par trois lignes sinueuses qui passent de l’une à l’autre et transforment le semis initial en une sorte de guirlande, comme des mots isolés sont mis en relation par des connecteurs pour former une phrase. La première ligne – la plus forte visuellement – est rouge. Une autre, plus fine et plus courte, est jaune. La troisième est beaucoup plus large, forme un dégradé du rouge au jaune dans son épaisseur, et relie seulement trois formes alignées, au centre de la composition. L’œuvre de Marielle Paul constitue donc quasiment un répertoire, sinon exhaustif, du moins représentatif des effets formels de la peinture et, de ce fait, pourrait relever de ce que certains auteurs ont défini comme abstraction syntaxique (Stephen Ellis, Tristan Trémeau, Éric Suchère). Une certaine proximité formelle avec certains artistes représentatifs de cette approche est d’ailleurs visible : les dégradés dans le motif sont les mêmes que chez Philippe Richard, la dissémination des couleurs et l’importance du blanc se retrouvent chez Fabienne Gaston-Dreyfus, l’organisation des plans en zones rectangulaires peut évoquer se qui se passe chez Jonathan Lasker, tandis que la simplicité des gestes et des formes, ainsi qu’un certain caractère concentré de la compositions peut rappeler Kimber Smith. De même, l’amitié qui liait Shirley Jaffe à Marielle Paul témoigne-t-elle de l’attention que l’artiste américaine portait à cette peinture.

Et pourtant. Pourtant cette œuvre ne cadre pas strictement avec l’abstraction syntaxique. Certains mots que nous avons employés pour la décrire (raboutage, dissémination, semis), mais surtout certaines opérations et certaines formes, révèlent qu’elle est profondément enracinée dans un rapport à l’expansion végétale (un peu à la façon dont a pu le dire et le faire Paul Klee). Le titre nomme, au moins partiellement, ce dont il s’agit : des fleurs ou, à tout le moins, des motifs floraux (ce qui n’est pas exactement la même chose). L’importance – non pas centrale, précisément, mais rhizomateuse ou radicante – de la ligne dans le travail de Marielle Paul (plus visible encore dans ses dessins que dans ses peintures) révèle que les opérations ne se posent pas en termes purement abstraits et théoriques, mais reposent sur un rapport – fût-il distant – avec le modèle et, plus précisément, la nature. Il n’est pas anecdotique que Marielle Paul a soutenu, en 1993, un mémoire de DEA à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette, sur le thème : « Paysage-Territoire-Jardin ». Parfois, les fleurs sont des fleurs et les dégradés de couleurs sont des arcs-en-ciel.

 

Karim Ghaddab