Aurélie PÉTREL

Né en France en 1980 - Vit entre Paris, Genève et Romme (Haute-Savoie)

C’est le solstice d’hiver ; une table est dressée en bord de fenêtre pour un repas d’oursins, leurs épines telle une encre opaque, dentelles émoussées que l’on imaginerait noires, pourpres ou rougeoyantes dans la lumière vacillante. Le ciel couleur d’eau lagunaire, la douceur de l’air trouble, la luisance de la table comme un rivage détrempé par une vague, la clameur de la ville – rumeur sans éclat, froissement de murmures quand les artères tarissent leur flux dans une pulsation sourde. L’image vibre des sons de ouate du jour alangui en déclin, juste avant le repas de solstice d’hiver habité d’une galanterie suave qui, déjà, étoffe la pénombre de séduction, obsède l’espace d’une mélancolie fine. L’image a rendu éternel le souvenir du repas de solstice, la langueur, l’indolence, la granulosité des sentiments, le reflet de la table, les verres servis de vin clair, les miettes de pain éparses, le contre-jour d’une canopée esquissée au fusain sur l’azur.
Et comme s’il avait fallu rendre inaltérable l’instantané flou, la mémoire fut gravée dans l’épaisseur d’un verre lourd. L’image du souvenir fut déposée pour accompagner le dépôt du regard : une vibration de temps et de lumière embrassés par le cristallin de l’œil qui voulut conserver le souvenir du repas de solstice d’hiver, la lumière, la vibration fluide des sentiments dans l’air limpide et la beauté du monde.

 

Jean-Charles Vergne