Pascal PINAUD

Né en France en 1964 - Vit en France

Depuis maintenant près de 15 ans, Pascal Pinaud entreprend une réflexion autour de la notion de picturalité aussi bien dans son histoire, ses référents, ses techniques que dans les manières que nous avons de l’appréhender. Sans vouloir réduire sa pratique à des procédures, il apparaît qu’elle se constitue principalement dans le détournement et le déplacement : détournement et déplacement, d’abord, de moyens et de techniques non destinées aux beaux-arts dans ce champ propre ; détournement et déplacement de notions non picturales dans cet espace de référence. Si son approche peut sembler marquée par la déconstruction et témoigner d’une objectivité légèrement distanciée, elle n’est pas exempte d’ironie et de facétie.

Parmi les techniques qu’il utilise – mais ne pratique pas forcément car le plus souvent, Pascal Pinaud délègue la fabrication de ses pièces à des artisans spécialisés – se trouvent la marqueterie, la laque automobile, le tricotage… techniques diverses qui posent la question des contaminations possibles entre l’artisanat, l’industrie et l’art, tout autant que l’inadéquation des uns aux autres car il ne semble pas que la problématique de Pascal Pinaud soit d’étendre le vocabulaire et les techniques picturales mais, plutôt, de questionner la pertinence ou l’impertinence de la peinture, du tableau, du décoratif, du géométrique, de l’expressif…

L’œuvre peut, également, se définir à partir d’un détournement de matériaux (canevas ou faïence par exemple), ou d’objets (tapis ou cage d’ascenseur) et poser la question du ready-made – la possibilité d’existence d’un ready-made pictural – comme de jouer avec les référents esthétiques auxquels renvoient ces objets : de la peinture concrète à l’orientalisme décoratif d’un Matisse, du Pop art à Supports/Surfaces mais, également, de la transcendance au kitsch en passant par le sublime : « Pourquoi taire mon goût naturel pour les matériaux quand je les trouve beaux comme le sont ces camions énormes, ces montagnes roulantes qui sillonnent les routes des USA. Il y a, dans tout production industrielle, une efficacité toute visuelle due à un rapport trouvé entre la façon de fabriquer et les matériaux employés qui évoque pour moi une des beautés visibles dans le monde de la peinture. L’objet manufacturé exerce sur moi une fascination que je me refuse à dissimuler sous prétexte qu’elle entre en contradiction avec le bon goût1 ».

Les gestes pratiqués sont tout aussi iconoclastes et pervers – pervers dans le sens étymologique : détourné de sa fin, non conforme au résultat escompté – ainsi des monochromes rayés par une automobile, des collages de boutons de nacre pour constituer un motif all-over ou de morceaux de canevas pour définir une peinture décorative…

Dans l’œuvre qui appartient aux collections du FRAC, la technique utilisée est celle de la laque automobile. Comme pour d’autres œuvres similaires : Dark blue jaguar ou Mazda clear white, le titre renvoie non seulement à une couleur mais, également, à un constructeur. Le constructeur donc « signe » la couleur. Celle-ci n’est plus une dénomination commune mais une dénomination propre renvoyant à l’image de marque, sursignifiant la couleur dans un premier temps : un améthyste particulier et la surcodant ensuite : tout ce que la marque véhicule. La dénomination renvoie non seulement à la couleur précise utilisée par le carrossier professionnel pour peindre ou réparer les véhicules mais, aussi, à une psychologie de la couleur – telles celles que l’on pourrait trouver dans l’héraldique au Moyen-Âge.

Éric Suchère

1 Dominique Figarella – Pascal Pinaud, Le Parvis, Tarbes, s. d.