Philippe RICHARD
Né en France en 1962 - Vit en France
Philippe Richard est apparu au début des années 1990 en même temps qu’une génération de peintres qui tentaient de renouveler la peinture abstraite en reprenant, certes, l’histoire des dernières avant-gardes picturales mais sans la charge théorique ni les procès critiques liés à cette période. Cette émergence a été internationale et a vu apparaître nombre de jeunes artistes (Fiona Rae par exemple) mais aussi une réévaluation de certaines figures qui avait été invisibles pendant la décennie précédente (Helmut Dorner ou Jonathan Lasker). En France, on trouva aussi bien des artistes processuels entreprenant une mise à distance des effets picturaux et de l’objet du tableau (Pascal Pinaud), que des peintres mélangeant différentes sources dans une hétérogénéité stylistique permanente (Rémy Hysbergue), que des artistes jouant sur l’ambiguïté possible entre abstraction et figuration (François Mendras) ou d’autres accentuant la réalité matérielle de ce médium (Cédric Teisseire). La particularité de l’œuvre de Philippe Richard, dans ce contexte, a été de faire des tableaux abstraits dénués de tous ces effets postmodernes en se posant sur des préoccupations purement picturales : l’organisation de la surface par des trames et motifs dans une stratification parfois rugueuse, parfois sophistiquée, des différentes couches picturales. Ses tableaux procèdent le plus souvent d’une idée structurelle simple qui se complexifie dans des processus presque musicaux (renversement, inversement, contrepoint, reprise…), aussi bien que par des emprunts à différents arts et périodes de l’histoire de l’art (de la peinture mozarabe à celle des primitifs siennois en passant par les tapis orientaux ou des motifs de la peinture aborigène australienne), tout autant que par des principes formels (dérives, oppositions binaires de formes, de couleurs, de surfaces)… le tout dans une peinture liquide qui donne une grande légèreté à ces tableaux, dans des effets colorés opposants des tonalités rabattues (des beiges, ocres ou tons dégradés) à des couleurs extrêmement saturées. À partir de 1996, Philippe Richard a entrepris un travail pictural hors du tableau sur des structures tridimensionnelles de plus en plus complexes (peintures sur des bois flottés dans Des mois, des années, sur des structures pliables dans Variables atmosphériques, sur des panneaux permutables dans Le bord du monde n’existe pas…) Depuis lors, les tableaux, quoiqu’un peu plus rares, se sont complexifiés et l’on pourrait dire qu’il y est de plus en plus question de désordre, de débordement, de jouissance. Une peinture comme celle de la collection du FRAC Auvergne joue sur une opposition simple entre une bande qui serpente et des cercles qui la ponctue et qui en fait la constitue, mais la répartition des couleurs produit un enchevêtrement chaotique et un télescopage visuel permanent, comme si la chorégraphie des surfaces colorées était contaminée par un virus pictural proliférant, comme si elle était atteinte d’une métastase venant bouleverser le cheminement déjà erratique de cette bande qui ne va nulle part et divague pour revenir sans cesse sur elle-même.
Éric Suchère