François SCHMITT

Né en France en 1959 - Vit en France

François Schmitt a commencé – ou presque – sa carrière artistique en exposant à la galerie Lahumière à Paris donc – et l’information est signifiante – dans la perspective de l’abstraction construite et géométrique, mais, très vite, il ne s’y est plus reconnu, ne s’est plus identifié avec cette idée d’un art objectif, géométrique et déconstruit hérité des avant-gardes même si les peintures qu’il faisait à l’époque avaient déjà leur part d’humour (comme des titres tels que Gong pour Van Gogh ou Tango pour Kelly l’indiquent) et que l’on y retrouvait les coloris si particuliers qu’il continue à utiliser.

Des grands formats qu’il utilisait à l’époque, il est passé à des petites pièces, de la toile aux objets, objets récupérés, achetés dans des magasins bon marché ; objets usuels sur lesquels il intervient ponctuellement avec de la couleur ou qu’il choisit, justement, pour leur tonalité acide et un peu édulcoré ou objets construits dans un rapport presque mimétique ou au moins analogique avec les précédents. De la pièce frontale, accroché au mur, à hauteur d’œil, il est passé à des installations composées de pièces nombreuses disposées au mur, au sol, dans des placards, recoins, sur des meubles, des étagères, dans des espaces aux points de vue multiples – même si l’espace compte et que le point de vue n’est plus unique, c’est la peinture et non la sculpture qui est convoquée et évoquée. Dans ses installations/compositions, la lumière est souvent prise en compte et filtrée afin de modifier la tonalité des objets, de les baigner dans une couleur unifiée et, plus que de lumière, c’est avant tout d’elle qu’il s’agit.

Les objets picturaux qui viennent dans ces installations sont souvent de petites tailles et gardent un rapport domestique – même quand ils sont fabriqués par l’artiste – et rappellent des jouets enfantins, des maquettes ludiques non seulement par leur couleur, mais, également, par leurs formes rondes et lisses. Souvent posés en équilibres ou fixés par quelques points brinquebalants, ils sont souvent en mouvement ou le laisse entrevoir dans une fragilité revendiquée, façon de ne pas imposer trop au regardeur, de laisser entrevoir, par la légèreté, une mobilité permanente des constituants de ces installations qui peuvent souvent être réutilisés dans d’autres ou de marquer la présence du corps du spectateur qui, au moindre souffle, peut mettre en branle et ébranler ces constructions souvent éphémères.

Collectionner les pièces de François Schmitt est, pour toutes ces raisons difficiles, comme il faudrait un espace dévolu dans lequel l’artiste pourrait intervenir et ré-intervenir sans cesse, modifiant sans cesse la proposition de manière à préserver cette légèreté et cette mobilité qui gouvernent son art. Situation impossible tout comme il est impossible de ne présenter qu’un des objets et de l’exposer hors contexte. Aussi, pour le FRAC Auvergne, la proposition qui a été faite par l’artiste est celle d’un entre-deux, d’une pièce à la fois fixée et mobile, d’une œuvre à la fois picturale et en relief, d’une peinture à recomposer à chaque accrochage.

Un fond de 160 x 160 cm doit être peint directement sur le mur, dans une tonalité précise. Ce fond fait tableau, donne l’illusion du tableau, se réfère à cet objet pourtant absent matériellement. Sur ce fond, on doit disposer de manière aléatoire – mais en laissant un espace central vide – 5 structures qui deviennent, ainsi, comme les formes d’une peinture, qui jouent, frontalement, comme des formes peintes, sauf que ces objets sont en relief, se lancent modestement dans l’espace, projettent leur ombre, rajoutent des notes colorées diverses suivant l’angle par lequel on regarde l’œuvre – comme chaque facette de chaque structure à une tonalité propre – et proposent une œuvre ouverte – au sens où l’entendait Umberto Eco dans son ouvrage majeur de 1962. À moins que l’ensemble n’évoque un caractère musical, comme des trilles sur une basse continue ou des superpositions complexes d’accords ou les grappes d’accords suspendus que l’on peut trouver chez Maurice Ravel – autre enchanteur malicieux.

Eric Suchère