Mette STAUSLAND

Née en Norvège en 1956 - Vit en Norvège

Mette Stausland, artiste originaire de Norvège, se consacre exclusivement au dessin que ce soit dans des petits ou grands formats ou des installations ou des œuvres conçues pour des espaces publics. Plusieurs séries sont menées de front parfois sur de longues périodes et semblent constituer une somme des possibilités graphiques allant des structures les plus complexes (série Bleu) aux tracés intuitifs les plus simples (série Coda) dans des techniques qui vont de la craie grasse au graphite. Les procédures matérielles (utilisation de la lithographie ou du collage) sont autant mises en avant que l’improvisation, la ligne vaut autant que la surface, le remplissage obsessionnel peut être contrebalancé par une série plus expressionniste.

Reading Rivers II (2012) appartient à la série Bleu qui doit sa dénomination à la dominante des œuvres (tout comme la série Jaune). Outre la dominante, la série Bleu est marquée par un remplissage méthodique de petits modules rectangulaires bleus laissant apparaître en réserve d’autres motifs rectangulaires blancs. Les motifs prennent différentes directions, forment des masses ondulantes qui s’enchevêtrent en un espace souvent all-over qui peut évoquer les structures aléatoires et chaotiques qui peuvent évoquer certains phénomènes que l’on observe dans la mécanique des fluides (émulsions, suspensions, tourbillons, etc.) et le titre choisi par l’artiste est éclairant sur la relation entretenue avec ces phénomènes — d’autant plus que l’on retrouve cette structuration dans différentes séries de l’artiste comme dans Coda ou dans Moving Parts ou dans certaines œuvres murales (Indigo Drift, 2013).

Dans Reading Rivers II, le trait devient forme, la forme devient structure, la structure devient composition… le procédé dans son extrême simplicité et son caractère aléatoire ou improvisé finit par générer un espace complexe analogique d’un espace urbain ou d’un paysage composite perçu dans une vision aérienne. Ce caractère chaotique est renforcé par l’exécution manuelle permettant toutes les variations aussi bien dans la longueur que dans la largeur des modules et venant donner une vibration constante de la surface.

Dans le cas de l’œuvre du FRAC Auvergne, Mette Stausland a collé de fines bandelettes de papier blanc à la surface de son dessin. Le réseau continu est ainsi perturbé, interrompu, par une autre strate tout aussi aléatoire — comparable, si nous voulons poursuivre les analogies, à un réseau de chemins striant un paysage. Ce réseau vient relier ou irriguer les grandes surfaces blanches en réserve qui parsèment la surface et que l’on retrouve principalement sur les bords. Ce blanc n’apparaît plus comme un manque, une partie inachevée, mais comme une autre structure devenant forme et perdant son rôle de simple fond — cette inversion fond/forme est également présente dans Reading Rivers III (2013). Deux structures viennent s’opposer et semblent marquer deux forces différentes : une force centripète (le blanc) et centrifuge (le bleu) — mais l’on pourrait également penser à un phénomène d’absorption. On remarquera, enfin, que certains réseaux blancs sont poursuivis par des traits de crayons (principalement dans la partie inférieure) rajoutant une strate supplémentaire à l’ensemble et striant le blanc d’une manière encore différente, à la fois dessin sous-jacent, ébauche d’une structure, poursuite possible du réseau bleu tout autant que du réseau blanc, entretenant ou ajoutant une ambiguïté à un espace déjà sans cesse perturbé.

Eric Suchère