Ceija STOJKA

Née en Autriche en 1933 - Décédée à Vienne en 2013

Ceija Stojka est une écrivaine et artiste peintre autrichienne rom, née en 1933 à Kraubath, en Styrie (Autriche) et morte en 2013 à Vienne (Autriche). Son œuvre peint entre les années 1980 et sa mort compte plus d’un millier de créations. Son travail, représenté par la galerie Christophe Gaillard (Paris), a notamment été présenté à La Friche Belle de Mai (Marseille), à La maison rouge (Paris), au Museo National Centro de Arte Reina Sofia (Madrid), au Malmo Kunsthalle, au Het Valkof Museum (Nijmege).

Ceija Stojka nait au moment de l’avènement du Troisième Reich dans une famille de Roms Lovaras, population tsigane dont l’activité traditionnelle est l’élevage de chevaux, dans un contexte de fortes discriminations envers les Roms. L’année de sa naissance est appliquée la loi de stérilisation eugénique, avant que les municipalités créent les zigeunerlager (camps d’internement pour Tsiganes) et que le Troisième Reich déchoit les Tsiganes de leur nationalité en 1939. En 1943, et pendant un peu plus de deux ans, elle est déportée dans trois camps de concentration : Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück et Bergen-Belsen. La libération des camps se solde chez les Roms par un mutisme généralisé sur le « Samudaripen » ou « Pharrajimos » (le « Génocide » en langue romani), en partie dû à une peur des représailles. Ce n’est que dans les années 1980 que ce tabou est brisé, notamment grâce à la prise de parole de Ceija Stojka, dans l’écriture puis dans la pratique plastique.

Les deux œuvres de la collection du FRAC Auvergne sont symptomatiques des deux « pans » de la création picturale de Ceija Stojka, que l’on peut distinguer entre œuvres « sombres » (encres noires sur papier) et œuvres « claires » (acryliques sur carton, couleurs vives). Taisez-vous! Allez, allez, tout le monde dans le train ! 1943 (Vienne) (2009) est ainsi caractéristique de la facture graphique du premier type stylistique, traitant souvent de scènes de violence dans les camps où les corps des déportés et ceux des nazis se confondent dans un espace frontal sans arrière-plan. À la manière d’une bande dessinée, les souvenirs d’ordres et de cris se mêlent aux figures synthétisées dans une quasi abstraction. On y retrouve également le contraste dans le traitement des figures : les SS sont schématisés dans des formes anguleuses et rectilignes, la bouche ouverte, tandis que les Roms sont personnifiés par des lignes souples, aux visages plus flous. Issu des œuvres « claires », Sans titre (1994) évoque un paysage de branches sèches et de ciel tourmenté. Dans une technique très matiériste, chaque coup de pinceau est visible, travaillant la peinture à peine mélangée, la sculptant parfois à la hampe. Cette image mentale d’un espace apocalyptique (après les rafles ou les annonçant) est exemplaire du rapport de Ceija Stojka au récit à la fois anachronique et hypermnésie : les souvenirs émergent dans le désordre et dans une trempe déjà picturale.

La signature emblématique de Ceija Stojka peut être relevée dans ces deux peintures. Faisant pleinement part de la composition dans l’acrylique sur carton et plus schématique dans l’encre sur papier, la branche d’arbre protège le nom de l’artiste. Celle-ci en parle dans son livre Nous vivons cachés – Souvenirs d’une Romni (édition Isabelle Sauvage, 2018, traduction de la version originale allemande de 2013), comme ce qui leur a permis, à sa mère et à elle, de survivre à Ravensbrück. Signe de résistance, de renaissance, cette signature est symbolique de la force politique et humaine de cette artiste historique.

Elora Weill-Engerer