Hélène VALENTIN

Née en 1927 - Décédée en 2012

Née en 1927, Hélène Valentin a étudié à l’École des beaux-arts de Nancy, puis à Bourges et à Paris. De 1949 à 1959, elle vit au Maroc où « elle peint au couteau à l’huile des tableaux très composés dans des couleurs assez sombres où dominent souvent, cernées de noir, de grands personnages[1] ». De 1963 à 1988, elle vit à New York avant de revenir en France. Son travail, à son arrivée, se modifie. « Elle peint toujours à l’huile au couteau, sur des formats moyens, mais ne représente plus la figure mais des formes organiques en à-plat avec des couleurs franches[2] ». Son travail se transforme encore au début des années 1970 par un changement de médium — l’acrylique —, dans des toiles de grandes dimensions montées sur châssis précédés par des pastels préparatoires, ainsi que par des peintures sur toiles libres intitulées Nomadics. Sa première exposition personnelle à New York a lieu en 1973 et elle connaît un grand succès. En 1976, elle crée sa première œuvre dans la nature avec des fusées éclairantes, des signaux de fumée et des écrans. Après la fermeture de sa galerie newyorkaise en 1984, elle exposera principalement en Australie. Son retour en France sera l’occasion de quelques expositions, principalement dans le sud où elle s’est installée et il faudra attendre 2017 pour que ce travail soit enfin montré à Paris — en 2017 à la galerie Dix 291 et en 2019 à la galerie Jean Fournier.

Le travail d’Hélène Valentin est un travail sériel où les séries sont reconnaissables par la structure formelle des œuvres, mais où les procédures picturales employées restent fondamentalement les mêmes d’une série à une autre. « La toile à plat sur le sol, imbibée au départ, elle ajoute des bains de médium dilué et pigmenté qu’elle laissese mélanger.Elle ramène les pigments secs dans les pochesde surfaces humides, “dessinant” l’image au fur et à mesure, puis laisse tout sécher pour voir ce qui se passe avec les densités, les traces de l’eau, les opacités, etc. avant de la remouiller et de continuer à construire la surface[3]. » Le hasard joue, donc, un grand rôle dans l’élaboration picturale. En cela, le processus n’est pas nouveau et cette construction par la tache a été théorisée par de multiples artistes depuis le XVIIIe siècle que ce soient Alexander Cozens, Victor Hugo ou August Strindberg pour n’en citer que quelques-uns. Si l’accumulation ou la dispersion des pigments — qui formeront les traces colorées —, tiennent de processus naturels, c’est dans la répétition et la superposition des différentes couches que naît l’œuvre ainsi que dans un travail à la brosse extrêmement physique. La tache, loin de suggérer un paysage qu’il suffirait de diriger vers une image, reste visible dans ses différentes couches. La couleur prend de plus en plus de densité dans la transparence des strates picturales jusqu’à ce qu’elle se fige dans une modulation complexe. La structure compositionnelle tient de la manière dont les couches travaillent entre elles et sont travaillées par l’artiste : structure en rayon comme pour l’œuvre du FRAC ou ondulations sur de larges bandes horizontales pour les peintures des années 1976-77 ou en bandes verticales alternées…

Si cette procédure peut évoquer l’expressionnisme abstrait américain, il faudrait plutôt aller vers la peinture chinoise classique dont elle eut la révélation en lisant The Tao of Painting de Mai-MaiSze. On y retrouve cet équilibre entre construction et hasard comme entre formes solides et liquides et une évocation de sensations par résonances. Dans le cas des peintures d’Hélène Valentin, c’est avec l’air et l’eau que la peinture résonne. Ainsi qu’elle l’écrivait, « je ne veux pas de formes précises — limitées par leurs contours — elles sont déjà partout alentour, je veux inventer par les espaces intermédiaires le flou de l’air, du vent — du temps qui coule — l’eau dissout sans retenir, avale, cannibale de toutes les formes, même la spirale du tourbillon devient sillon poussée par le flot. Ce qui m’intéresse : les matières translucides qui ne donnent pas tout au premier regard. La lumière frappe à plusieurs reprises et chaque fois révèle une parcelle cachée, un peu plus loin, un peu plus profonde[4]. »

Éric Suchère

[1] Extrait de la notice biographique rédigée par Emmanuelle Remy.

[2]Ibid.

[3] April Kingsley, « Hélène Valentin », Arts Magazine, avril 1977, p. 5 (traduction de l’auteur).

[4] Notes de carnets.