Edouard WOLTON

Né en 1986 en France. Vit à Paris, France.

Artist’s Palette fait référence par son titre à un lieu situé dans la death valley où Michel Foucault s’est rendu au printemps 1975 avec deux amis, Simeon Wade et Michael Stoneman, pour un trip sous LSD. Son expérience hallucinogène n’a jamais été retranscrite par Michel Foucault, mais elle m’a permis, avec Léa Bismuth, d’ouvrir une porte vers l’imaginaire de l’hallucination chromatique en peinture évoqué dans le livre d’artistes PHI édité à quatre mains pour l’exposition « Ultima Thulé » à la galerie des Filles du Calvaire en 2020. Cette exposition proposait une forme de voyage initiatique pour le visiteur qui, partant de l’étude des formes mathématiques ésotériques reliées au nombre d’or, glissait vers l’alchimie pour évoluer dans un univers relatif aux rêves et aux hallucinations, pour enfin finir dans une salle noire, salle du cauchemar dans ce sens du « bad trip ».

Le tableau Artist’s Palette me permettait ainsi d’unifier deux univers iconographiques et théoriques présents dans ma peinture, à savoir l’étude de paysage et l’étude de la chromatique. Il représente un paysage imaginaire, proche d’une vision du désert californien. Néanmoins, le paysage situé au centre du tableau est presque rendu invisible par la superposition de glacis colorés qui, par addition, offrent un noir transparent. Pour voir ce paysage, ou tout simplement pénétrer le tableau, il faut rester un certain temps devant celui-ci pour que l’œil s’habitue et puisse percevoir. D’une certaine façon, il faut donc « traverser le miroir » de la surface picturale, ici particulièrement réflective en raison de la brillance des glacis à l’huile. Traverser le miroir pour atteindre une autre vision, une vision hallucinée et mentale de la perception, comme lors d’un voyage initiatique sous LSD. Ainsi, le sujet paysage s’efface pour proposer une expérience chromatique intense. La lumière semble se diffracter et éclater en prismes arc en ciels sur les bords du tableau, les couleurs sont puissantes et la superposition de glacis permet aux teintes de glisser d’une gamme à l’autre en proposant une densité chromatique rendue possible par l’utilisation de cette technique.

Dans l’exposition « Ultima Thulé », le visiteur était accueilli par un moulage de ma tête en résine duquel des cristaux de quartz sortaient par les yeux. Cette tête étrange, issue d’un mauvais rêve que j’avais fait, semblait annoncer au spectateur que son voyage initiatique allait changer sa vision. Lorsqu’on regarde Artist’s Palette, c’est comme si nos yeux avaient en effet été transpercés par ces cristaux qui, tels des prismes, diffractent la lumière. Mais, ici, nos yeux sont comme percés, le sujet est dans une zone de cécité centrale et la lumière n’est plus présente que sur les bords. Nous ne pouvons plus voir la nature ou notre réalité comme à notre habitude, nous devons la voir depuis l’autre côté du miroir, avec une vision mentale et hallucinée.

Edouard Wolton