Troels WöRSEL

Né au Danemark en 1959 – Décédé en 2018

Dans un texte du milieu des années quatre-vingts, Troels Wörsel, peintre danois qui vit et travaille en Allemagne depuis 1974, n’hésita pas à comparer la peinture à l’art culinaire. Cette approche métaphorique du tableau met en jeu à la fois les idées préconçues sur l’art et la cuisine. Cette conception n’est pourtant pas si saugrenue qu’il y paraît : la peinture, matière liquide ou visqueuse, change d’aspect en séchant, véhicule des idées, suscite le plaisir ; est-ce si différent de ce qui se passe en cuisine lors de la préparation d’un plat ou d’une sauce ? Notons à ce propos que l’artiste n’est pas seulement un peintre éminent, il est également un cuisinier d’exception. Il sait donc de quoi il parle.
Troels Wörsel, fait partie de la génération d’artistes qui dès les années soixante-dix, s’est réappropriée la peinture, délaissée au profit de l’art minimal et conceptuel. Il s’est alors intéressé à l’art américain contemporain (« Dans un certain sens je fais la même choses que Robert Ryman, j’ai simplement introduit plus d’éléments ») ; il a su regarder aussi l’art d’Extrême-Orient, notamment la peinture Zen.
Au début des années quatre-vingts, il participa à plusieurs expositions regroupant notamment des artistes qui allaient se faire connaître sous l’étiquette des néo-fauves allemands. Puis en réaction contre cette expression « spontanée », où la frontière entre réalité et art disparaissait, Troels Wörsel se tourna vers Marcel Duchamp et le principe que celui-ci avait adopté pour Le Grand Verre. Dans cette œuvre, Duchamp séparait le contenu de la forme, les deux existant comme entités à part entière.
La touche et la façon dont la peinture est appliquée sur la toile sont des préoccupations constantes de l’artiste : « Les peintures n’étant ni vraies, ni fausses, le contenu d ‘une peinture ne se réfère à rien d’autre qu’à sa propre structure sémantique », explique-t-il dans un texte.
C’est ainsi qu’il utilise régulièrement des reproductions de ses propres œuvres comme motif, toujours dans le but de démontrer la prééminence de la peinture.
Le diptyque Sans titre, 1995 est une œuvre tout à fait exemplaire et illustre particulièrement bien la position radicale de l’artiste. Chaque panneau est dominé par une grille noire qui fait penser à l’avant-garde néo-plasticiennes des années vingt, mais le véritable motif, que l’on retrouve inversé dans le second panneau, est en fait le plan de l’ancienne galerie Riis à Oslo, où l’artiste avait exposé en 1994 – 1995 (l’année où le diptyque y fut présenté) et de nouveau en 2001. Le premier élément est réalisé au pinceau, le second aux doigts. La gamme chromatique est, comme souvent chez Wörsel, très réduite : les couleurs primaires, un dégradé de gris entre le blanc et le noir et un brun chocolat.

Jonas Storsve