Patrick NEU
Né en France en 1963 - Vit dans les Vosges
Chaque année, lorsque vient le moment de la floraison des iris, Patrick Neu se consacre à la réalisation d’aquarelles destinées à fixer les fleurs jusqu’à leur fanaison. Ce temps consacré est, littéralement, un temps dédié dans son entièreté, un temps de dévotion, de contemplation et de silence. La consécration, dans l’acception spirituelle du terme, concerne la conversion (du pain en substance christique, par exemple) et ces portraits de fleurs destinées à la disparition bruissent de cette consécration, de cette transsubstantiation au cours de laquelle la fleur éclose se froisse déjà imperceptiblement, livrant au regard attentif et patient les prémices de son inéluctable flétrissement. Cette corruption lente de la fleur est manifeste dans la matière même de l’aquarelle dont la charge pigmentaire volontairement lourde donne aux pétales une texture analogue à celle d’un papier crépon amidonné évoquant la rigidité d’une momification. Simultanément, la fragilité des iris et leur disparition sensible se doublent des émanations érotiques offertes par le repli des formes, leurs lèvres délicatement entrouvertes, leurs invaginations subtiles. La mort se pare ici de son inverse, dans l’entrebâillement d’une sensualité et d’une fécondité qui déjà annonce le cycle floral suivant. Depuis la fin des années 1990, l’artiste a choisi de scander son temps par le cycle saisonnier de ces épiphanies florales en allant peindre sur le motif, sur le minuscule motif des fleurs d’iris, pour s’y consacrer, s’y donner entièrement. Par le rythme cyclique de ses occurrences et par son caractère toujours inachevé, la série instille du sacré à ces iris dont le nom évoque autant celui des fleurs que celui de la couleur de l’œil.
Jean-Charles Vergne