Hubert DUPRAT
Né en France en 1957 – Vit en France
A dresser de façon abrupte l’inventaire des œuvres réalisées par Hubert Duprat depuis une quinzaine d’années, il y a de quoi être complètement perdu : larves aquatiques de trichoptères aux pierres précieuses, images cibachromes de cosmonautes en lévitation dans l’espace, vues d’atelier captées selon le principe de la camera obscura, blocs de béton et marqueteries incrustées aux figures gravées d’architecture, élévation de volumes en doublement d’espace, etc… Bien difficile en vérité de prendre la mesure d’une démarche qui s’autorise autant de diversions. A première vue, du moins, car à bien y réfléchir, il s’avère que ce qui la gouverne relève tout simplement de l’idée d’une augmentation. Chacune des œuvres de Hubert Duprat procède en effet de l’intention de déterminer un lieu commun dans cette façon très personnelle qu’il a d’opérer en terme de dilatation de l’espace. « La plupart des images que je donne à voir ne sont pas visibles à l’œil nu » affirme-t-il comme pour mieux souligner comment celles-ci sont constituées pour excéder la vue. A ce propos, il est d’ailleurs intéressant de remarquer que ses œuvres questionnent tout à la fois les notions de points de vue, de perspective, de limite, de projection, de métamorphose et de déplacement, c’est-à-dire qu’elles font l’expérience d’une phénoménologie de la perception. En fait, comme l’a si bien noté Jean-Marc Poinsot, c’est dans l’écart conceptuel entre « sujet et mobile » que réside la singularité de sa démarche. Le recours à la technique de la marqueterie, laquelle – faut-il le rappeler ? – remonte aux temps anciens de la Renaissance, n’est pas innocent, dans une œuvre comme celle que conserve le FRAC Auvergne, de la question de la perspective. On sait que c’est par le biais de représentations incrustées dans le bois que celle-ci a été posée dès le début avant même que la peinture ne s’accapare d’un tel substitut du réel. C’est donc dans cet amont d’une histoire de l’image que l’œuvre de Duprat prend place, à considérer toutefois que la vue qu’elle figure dérive directement du dessin d’une photographie de son atelier et nous renvoie ainsi à l’idée de lieu commun, du moins pour ce qu’il en est du sujet et de son mobile. Par ailleurs, il est un paradoxe dont cette œuvre de Hubert Duprat est l’illustration, c’est l’opposition cinglante qui existe entre la technique requise, la marqueterie, qui est considérée comme précieuse, et le matériau employé, qui n’est autre qu’un vulgaire contreplaqué. De même, il convient de remarquer que le tracé du sol, des plinthes et de la porte apparaît plutôt approximatif alors que ce genre de pratique exige d’habitude un soin et une précision extrêmes. De toutes ces nuances, de tous ces décalages, de toutes ces subversions, l’art de Duprat se nourrit, interrogeant tout à la fois le statut de l’image, la fonction du regard, la qualification du motif, la crédibilité de l’œuvre enfin dans ses rapports au fait de représentation.
Philippe Piguet