Pour leur nouvelle collaboration, le FRAC Auvergne et le Centre Culturel Le Bief sont heureux de s’associer pour présenter cette exposition consacrée à David Lynch, réunissant dix oeuvres dont une partie a été acquise par la collection du FRAC en 2012 suite à l’exposition Man Waking From Dream que notre institution avait consacrée à cet immense artiste américain.
C’est en 2007, à l’occasion de sa grande exposition à la Fondation Cartier à Paris, que David Lynch a commencé à travailler sur pierres lithographiques. Depuis, près de 150 lithographies ont été réalisées à l’imprimerie d’art Idem, où il vient chaque année passer quelques semaines pour travailler dans des conditions qui lui permettent de trouver une complémentarité au travail cinématographique.
Si les longs-métrages de David Lynch ont régulièrement rendu hommage à des films majeurs de l’histoire du cinéma (Sunset Boulevard de Billy Wilder, Vertigo d’Alfred Hitchcock, 8 1/2 de Federico Fellini, les films de Jacques Tati…), son oeuvre graphique procède d’hommages récurrents aux figures de l’histoire de l’art qui ont marqué son parcours depuis ses études à la Pennsylvania Academy of Fine Arts de Philadelphie. Francis Bacon, Edward Hopper, Le Caravage sont quelques-uns des peintres dont les influences sont manifestes dans un art que David Lynch pratique sous toutes ses formes depuis plus de quarante ans. Peinture, dessin, gravure, design, son, photographie, sont en effet les modes de créations qui accompagnent sa vie, lui offrant la possibilité de créer d’une manière plus directe, plus spontanée, plus intuitive, sans en passer nécessairement par l’emploi des moyens technologiques complexes qui sont ceux du cinéma.
Cet autre aspect de sa création permet d’aborder différemment cette oeuvre unique, ce monde que l’on qualifie désormais de « lynchien », tant l’artiste américain est parvenu à élaborer un univers sans pareil. La dizaine de gravures et dessin réunis dans cette exposition permettent de découvrir sur un autre mode, avec un langage différent, les principaux thèmes que David Lynch a toujours traités dans ses films.
LE MAUVAIS ŒIL
L’idée de cette exposition est née il y a presque un an et sa conception a débuté il y a plusieurs mois, bien avant que ne se déclare la pandémie de COVID-19.
Certains thèmes et certaines œuvres de ce projet entretiennent une résonance avec les mois éprouvants que nous traversons. La question s’est posée de maintenir ou non cette exposition mais nous avons choisi de conserver ce projet tel qu’il avait été conçu à l’origine, considérant aussi que les œuvres qu’il réunit constituent pour certaines les témoignages et les signes d’une prise de conscience générale et vitale qu’il nous faut développer dans les années futures.
Avec son film The Evil Eye (« le mauvais œil »), Clément Cogitore s’est vu décerner en 2018 le prestigieux Prix Marcel Duchamp par le Centre Pompidou, obtenu avec le concours du FRAC Auvergne qui fut chargé de défendre sa candidature. The Evil Eye est ici placé au cœur de l’exposition, sa bande-son traversant tous les espaces, dans un dialogue avec les autres œuvres, telle une litanie présageant l’avènement d’une inéluctable fin du monde portée par la rémanence de grands récits mythologiques, transfigurée par des dizaines d’images à vocation publicitaire. Élégie poignante empruntant autant aux grands mythes qu’aux méthodes de manipulation des foules les plus éprouvées par la publicité comme par la propagande, The Evil Eye en appelle aux figures anciennes de la sorcière, de la prédicatrice et de l’oracle pour éclairer notre époque d’une lumière prémonitoire et funeste.
Le mauvais œil, figure archaïque de l’anathème, trouve dans cette exposition ses déclinaisons les plus diverses. Puisant dans les représentations enracinées dans la croyance et le mythe, le mauvais œil se manifeste aussi par l’évocation de grandes tragédies historiques – dévastation guerrière, terrorisme, désastre économique – et par l’omniprésence de figures féminines énigmatiques, prophétiques ou menaçantes qui, telles les Parques de la mythologie romaine, semblent tisser les fils d’une destinée fatale. Le mauvais œil en appelle autant aux superstitions enracinées dans l’imaginaire collectif qu’aux phénomènes de croyances les plus actuels véhiculés par les pronostics – réalistes ou fantasmés – d’effondrement inéluctable de notre civilisation.
MEMENTO
Rencontre entre les collections du FRAC Auvergne et du musée Crozatier
Cette exposition, conçue sous la forme d’un dialogue entre les œuvres conservées par le Musée Crozatier et les œuvres contemporaines de la collection du FRAC Auvergne, se fonde autant sur la grande tradition du memento mori que sur la volonté d’établir des liens entre ce que nous voyons, ce que nous relions, ce que nous oublions. Deux parcours sont ainsi juxtaposés.
Le premier se déroule le long des salles d’exposition permanente du musée, par une série de dialogues entre les œuvres des deux collections. Le propos est multiple et s’attache autant à la mise en perspective de connexions entre les ouvres issues d’époques éloignées qu’à la tentation de la friction inattendue. Certains rapprochements montrent l’héritage dont sont redevables les artistes d’aujourd’hui par la façon dont ils perpétuent les grands genres artistiques du passé. D’autres dialogues s’établissent au contraire sur un besoin de confrontation, de contrastes volontairement appuyés.
Le second parcours occupe la salle d’exposition temporaire en établissant un dialogue entre les œuvres de la collection du FRAC et des œuvres du musée spécialement sorties des réserves du musée, pour certaines invisibles au public depuis longtemps, réactivant ainsi le souvenir de ces créations et objets parfois oubliés. Dans cette salle, les origines du memento mori donnent l’impulsion à l’élargissement du genre vers d’autres formes de représentations : souvenirs intimes, événements historiques tragiques, fragilité des corps, relation à la culpabilité et à la victimisation, beauté de l’éphémère, fascination mêlée de révulsion pour ce qui, après nous, demeurera de nous…