En ce moment au frac auvergne
L’économie du désir
Au cœur de notre système économique, l’instrumentalisation de la force du désir est assez tôt apparue comme un de ses puissants rouages. Sans jamais chercher l’accomplissement de ce désir, le système n’a eu de cesse de le démultiplier en autant de promesses de bonheur, d’horizons de satisfaction impossibles à atteindre. Surconsommation, tourisme de masse, épuisement des ressources terrestres, fuite en avant technologique se sont alors progressivement imposés comme les dérives de ce nouvel ordre mondial.
L’exposition L’économie du désir réunit une vingtaine d’artistes s’attachant à rendre visibles les conséquences d’un tel système notamment du point de vue environnemental, à l’image de ces structures en béton recouvrant des zones forestières au Japon prenant l’allure de gigantesques cataplasmes (Julien Guinand), de ces territoires en Espagne ravagés par la cupidité de grandes opérations touristiques (Sylvain Couzinet-Jacques) ou encore de l’atmosphère totalement désincarnée d’une ferme de vaches laitières autogérée par des logiciels informatiques (Sarah del Pino). Et dans la logique globalisante qui définit ce système, les artistes se font aussi l’écho de ses répercussions sur le plan humain : standardisation des comportements (Martin Parr), phénomènes d’aliénation (Cécile Bicler, Rachel Labastie), inégalité sociale (Paul Graham) ou encore impact des technologies sur la santé (Ismaël Joffroy Chandoutis)…
Face à cette situation, des scénarios alternatifs émergent en creux et tiennent la catastrophe annoncée à distance. Si le terme de désir est aujourd’hui largement dévoyé, cette exposition cherche à le penser à travers une nouvelle place, un nouvel imaginaire. Une économie du désir dans le sens d’une modération qui permettrait de ne plus le définir comme une force implacable à laquelle nous serions soumis mais comme une énergie, nouvelle, renouvelable et créatrice. C’est l’idée assez réjouissante que défend l’auteur Alain Damasio pour qui « se battre sur le terrain du désir » c’est donner envie de retisser du lien avec l’autre, avec le vivant pour imaginer un futur à nouveau désirable.
Laure Forlay
Commissaire de l’exposition
A venir
SILLAGES
«Parler sans émettre des sons est plus fort que les mots parce que les mots disent des mensonges. Quand vous vous exprimez avec des gestes, vous êtes juste témoins du moment.» Les mots de la chorégraphe Carolyn Carlson résonnent d’un écho particulier au coeur de cette exposition par la proximité qu’ils entretiennent avec le processus de création des artistes présentés : primauté du geste sur le verbe, expérience physique, méfiance face au langage, intensité de l’instant…
À partir de la sélection d’une quarantaine d’oeuvres mêlant la jeune création à des artistes historiques, l’exposition Sillages s’attache à dénouer les enjeux propres à l’acte de création. Privilégiant une approche sensible des oeuvres, le parcours se tient à distance d’un contexte artistique qui aurait tendance à valoriser davantage ce qui est dit à ce qui est montré. À la surface de ces oeuvres, le geste seul fait sens, loin de toute autre forme de discours. Parcourir du regard les surfaces qu’il a traversées permet de remonter le processus de création, comme on remonterait le sillage formé par un bateau après son passage. C’est entrevoir les turbulences qui ont agité le processus, les doutes quant aux directions prises, les changements de cap – anticipés ou non -,les points de non-retour atteints par le geste de trop…
Si la sélection se concentre sur ce que l’on nommera par commodité des oeuvres abstraites, c’est pour mieux révéler la présence du geste, libéré des oripeaux séduisants de la figure. Mis à nu, le geste s’exprime, dans une grande ampleur (Gérard Traquandi), surgit telle une fulgurance (Alain Sicard), accompagne le travail de la couleur (Hélène Valentin), se livre dans une relation étroite à l’écriture (Anne-Marie Schneider)… Variant sa charge, son intensité, ses incidences sur le support, chaque artiste élabore patiemment son propre langage pour saisir la matière et accompagner ses transformations. Il en va alors, dans l’intimité de l’atelier, d’une conquête aventureuse, d’une «odyssée» pour reprendre les mots d’Armelle de Sainte-Marie au cours de laquelle prime le plaisir pur du geste.
Hors les murs
ANIMA
C’est d’abord une immense chauve-souris qui guette de loin le visiteur à son arrivée dans l’exposition. Puis ce sont de drôles de corbeaux qui font leur entrée en chantant du blues quand, à côté d’eux, un chien et un héron tentent de se dégager d’une immense quantité de peinture. Un peu plus loin encore, une cage à oiseaux grande ouverte a laissé s’échapper ses occupants, partis retrouver leur liberté. Tour à tour, les animaux présents dans cette exposition prennent vie, s’animent sous l’énergie d’un coup de crayons ou à travers la vivacité des couleurs. Chacun d’eux devient le personnage d’histoires fantastiques et l’objet d’attention des artistes qui s’amusent à explorer toute la richesse du monde animal. La lumière luisant sur le pelage d’un ours transforme ainsi la palette de Gilles Aillaud en un magnifique noir bleuté, la fragilité du vol des oiseaux se retrouve chez Stephen Maas dans la légèreté de l’aquarelle, l’incroyable blancheur des plumes d’un cygne illumine les photographies de Viryia Chotpanyavisut. Tout au long du parcours de cette exposition, la présence de l’animal s’affirme, autant à travers les nombreux fantasmes qu’il suscite que dans sa façon unique d’être au monde, naturellement différente de la nôtre.
Entrée libre, mercredi, samedi et dimanche de 14h à 18h
Pendant les vacances scolaires, du mardi au dimanche de 14h à 18h
Une exposition pour petits et grands
04 70 30 55 73 – expositions@vichy-culture.fr
Sortie d’ateliers – La collection du frac auvergne
1827. Nicéphore Niépce met au point un procédé qui permet de fixer une image sur une plaque métallique, donnant naissance à la première photographie de l’Histoire.
1841. Le peintre américain John Goffe Rand invente la peinture en tube, permettant de conserver les couleurs plus longtemps et de les transporter plus facilement.
Loin d’être anecdotiques, ces deux inventions techniques ont révolutionné le monde de l’art en permettant aux artistes de sortir de leurs ateliers et favorisant, quelques années plus tard, l’émergence d’un des courants les plus importants de l’art moderne, l’impressionnisme. Aujourd’hui, la pratique hors de l’atelier est devenue chose commune au sein de la création contemporaine, comme en témoignent les artistes réunis dans cette exposition. S’inscrivant dans l’héritage impressionniste, le photographe Mustapha Azeroual capture dans le paysage les modulations lumineuses du ciel, des premières lueurs du Soleil au crépuscule. Marina Gadonneix, quant à elle, s’immerge au sein des laboratoires scientifiques pour profiter du savoir-faire des ingénieurs et de leur maîtrise des technologies innovantes. D’autres encore (Geert Goiris, Dove Allouche) puisent leurs sources d’inspiration dans les domaines technique et scientifique et dans le formidable potentiel esthétique mis à leur disposition. Dans ce contexte, l’exposition Sortie d’ateliers révèle aussi en creux les liens incontestables qui ont toujours existé entre l’art et la science, deux domaines supposément opposés mais qui n’ont pourtant cessé de s’attirer et de s’influencer. Le parcours met en évidence qu’artistes et scientifiques partagent une volonté commune, celle de dépasser les limites de leur domaine respectif en cherchant sans cesse de nouveaux moyens de (conce)voir le monde.
Expositions passées
Laura Henno – M’Tsamboro
Le Frac Auvergne présente sa nouvelle exposition consacrée à la photographe et cinéaste Laura Henno, réunissant pour la première fois une partie significative du travail que l’artiste a réalisé ces dernières années au cœur de l’océan Indien.
Dès 2013, Laura Henno s’est immergée plusieurs semaines par an au sein de l’archipel des Comores pour rencontrer les communautés vivant en marge de ce territoire morcelé par une géopolitique complexe. Pour rendre compte au plus juste de ces populations invisibilisées, elle inscrit son travail sur un temps long et privilégie une démarche à la fois empirique et éminemment sensible. D’une rencontre à l’autre, d’un territoire à l’autre, Laura Henno construit patiemment son corpus qui se livre à la manière d’une histoire sans paroles. Ce silence est sans doute l’une des plus belles réponses face aux échos bruyants d’un monde qui semble avoir oublié la notion de nuance. Depuis près de quinze ans, cette notion ne quitte pas l’artiste pour mettre en forme, loin de tout discours complaisant ou stigmatisant, un récit de la marge qu’elle prend soin d’écrire avec et depuis ceux qui la vivent.
LES LOIS DE L’IMAGINAIRE
Collections du Frac Auvergne et des Musées d’Aurillac
À travers une riche sélection d’œuvres, Les lois de l’imaginaire souhaite mettre en évidence les liens unissant l’art et la science, deux domaines supposément opposés mais qui n’ont pourtant cessé de s’attirer et de s’influencer. De la figure de l’artiste savant qui émerge à la Renaissance aux artistes-ingénieurs d’aujourd’hui, les exemples ne manquent pas pour témoigner des influences réciproques qui s’exercent entre ces deux formes de la création.
Au XVe siècle, la mise au point de la technique de la peinture à l’huile par le peintre Jan Van Eyck apporte aux compositions des effets de lumière, de profondeur et de textures jusque-là inconnus. À la même époque, les progrès de l’optique dotent les peintures d’un réalisme sans précédent grâce à l’emploi de camera obscuras équipées de miroirs et de lentilles optiques. Mais c’est sans conteste l’invention de la photographie en 1827 par Nicéphore Niépce qui bouleverse définitivement le monde de l’art et ouvre la voie quelques décennies plus tard à l’un des courants les plus importants de l’art moderne : l’impressionnisme. L’émergence de celui-ci sera d’ailleurs favorisée par une autre invention concomitante, celle de la peinture en tube en 1841 par John Goffe Rand permettant aux artistes de sortir de leur atelier. Photographes et peintres partagent alors un même domaine d’exercice, celui de la lumière naturelle et une façon moderne de regarder.
Laure Forlay, Commissaire de l’exposition

UNE HISTOIRE DE FLEURS
Collection du frac auvergne
Peindre ou photographier des fleurs aujourd’hui rattache inévitablement les artistes contemporains à une longue tradition de l’histoire de l’art, qui commence dès le XVIIe siècle quand le motif floral s’autonomise et devient sujet à part entière au sein des représentations.
Ainsi, il faut sans doute voir dans la très grande délicatesse des aquarelles de Patrick Neu ou dans la profonde poésie des photographies de Rinko Kawauchi, une réminiscence de formes passées.
Pour les autres artistes présents dans cette exposition, il s’agit au contraire de se libérer plus nettement de cet héritage. En utilisant un motif rebattu de l’histoire de l’art, ils le délestent de toute forme de signification ou de symbolisme pour le considérer comme seul prétexte à la peinture.
Laure Forlay, commissaire de l’exposition
🌺Entrée gratuite – 10h-13h / 15h-18h30

Expositions passées
Accéder
Le frac auvergne consacre à Noémie Goudal, récemment nommée au prix Marcel Duchamp, une importante exposition monographique intitulée Inhale Exhale, qui présentera ses dernières réalisations (photographies, films) aux côtés d’installations inédites produites pour l’occasion.
À travers un langage visuel unique, Noémie Goudal révèle des paysages poétiques et énigmatiques où les notions d’espace et de temps se fondent dans une réflexion profonde sur notre perception du monde. L’exposition Inhale Exhale invite ainsi le spectateur à prendre conscience des nombreux bouleversements qui ont agité la Terre depuis des milliards d’années et qui ont donné naissance à nos paysages actuels.
Laure Forlay, commissaire de l’exposition