Mustapha AZEROUAL
Né au Maroc en 1979 - Vit à Paris
Le souvenir de la lumière d’aurore ou de crépuscule, de la lumière nimbant un paysage, de la lumière – juste de la lumière – est insaisissable sinon par les contours nébuleux qu’elle fait persister dans la mémoire. Les cieux embrasés de William Turner, les cyans nimbés de John Constable, l’azur normand d’Eugène Boudin, demeurent des transpositions lumineuses n’appartenant qu’à leur génie, portées par les impressions climatiques qu’ils sont parvenus à moduler par la peinture. Il n’est pas hasardeux que Claude Monet ait intitulé son tableau Impression soleil levant, peint au Havre depuis la fenêtre de sa chambre d’hôtel en 1874, ne sachant au départ quel titre donner à cette peinture si singulière. Choisissant tout d’abord Vue du Havre, il se laisse convaincre par Edmond Renoir de le changer et opte pour Impression, avant que le frère de Pierre-Auguste Renoir n’y ajoute « soleil levant ». Le titre, on le sait, sera cyniquement détourné par le critique d’art Louis Leroy et donnera finalement son nom au courant impressionniste. Que Monet ait choisi Impression indique deux choses : la lumière est pure impression rétinienne, la lumière ne laisse qu’une impression fuyante, un étiolement mémoriel impossible à fixer.
Ce n’est pas au Havre que Mustapha Azeroual a réalisé Radiance #8, mais dans le Finistère, face à la mer, à différentes heures de la journée. Comme il l’avait déjà expérimenté précédemment en Islande, au Maroc ou en Chine, Radiance #8 est une tentative d’archivage de la lumière et de la couleur au moyen d’un procédé photographique couplant une superposition de plusieurs images. Au lever et au coucher du soleil, la lumière est capturée à la chambre photographique depuis le même point de vue en superposant les prises de vues sur un même plan-film. Quatre ou cinq images sont ainsi retenues puis superposées, générant ainsi une double superposition que le photographe transfère sur support lenticulaire. Celui-ci permet, par le déplacement du regardeur, d’enchaîner la lecture lumineuse, d’accéder au cycle de la lumière naturelle du matin jusqu’au soir, sans jamais toutefois être en mesure de fixer celle-ci. La photographie demeure infixable par le regard, et deux personnes la contemplant ensemble ne verront jamais la même image. Le titre, Radiance, indique en soi le rayonnement par propagation lumineuse et l’impossible couleur, de la même manière que Camille Mauclair écrivait en 1904, à propos du violet, qu’il est « un faisceau radiant dont le dosage va du mauve le plus pâle au rouge le plus ardent1« . Radiance#8_Finisterrae est avant tout une expérience de la couleur et de l’éclat fondée sur l’impermanence et la fuite, sur l’échec de la vision à embrasser le fugace, n’en conservant qu’une impression.
Jean-Charles Vergne
1- Camille Mauclair, L’impressionnisme : son histoire, son esthétique, ses maîtres, (1904), Hachette BnF, 2016.