Silvia BÄCHLI

Née en Suisse en 1956 - Vit en France, en Suisse et en Allemagne

Silvia Bächli a adopté une discipline de travail consistant à dessiner de manière quotidienne, à accumuler travaux à la gouache sur papier pour ensuite s’astreindre à une sélection sévère au cours de laquelle un certain nombre de propositions sont éliminées. A l’issue de ce choix, certaines peintures conservent une autonomie et sont ensuite montrées seules ; d’autres s’intègrent au sein d’ensembles constituant des polyptyques qui généralement se construisent à partir d’éléments de formats réduits. Une exposition de Silvia Bächli est donc souvent la mise en scène de séries de polyptyques – dont certains peuvent s’étendre sur deux murs se jouxtant ou, parfois, proposer le passage d’une salle à une autre – et de grands formats.
Les dessins obéissent à un processus de retranscription de détails vus lors de promenades, de parties de corps, d’architectures vues ou parcourues, d’objets et, bien qu’il ne soit pas rare que les dessins puissent sembler prendre certaines de leurs sources dans une démarche tournée vers l’abstraction, l’origine de toutes les œuvres de Silvia Bächli est incontestablement figurative. La tentation d’y percevoir une aspiration abstraite repose en réalité sur deux choix déterminants : celui de la représentation de détails qui, en tant que tels peuvent avoir une valeur d’abstraction étonnante, et celui de regrouper ces détails en ensembles muraux très composés et en apparence très hétérogènes dans la sélection de dessins – auxquels s’ajoutent parfois des photographies prises par l’artiste ou découpées dans la presse – dont ils sont constitués. Sur ce dernier point, Silvia Bächli aime utiliser le terme de cluster pour qualifier la manière dont sont assemblés les dessins, empruntant ainsi à la musique – contemporaine notamment – un mot indiquant la collision compacte de sons ou de notes, joués en grappe, de manière très dense. Dès lors, la dimension musicale apparaît comme une donnée possiblement essentielle pour comprendre l’intonation générale dont est habitée cette œuvre. En effet, si elle ne repose pas sur un postulat musical initial, elle fait appel à une sensibilité qui fait assurément écho avec la musique, avec la manière dont on la compose et avec la façon dont un auditeur la reçoit. La gestion du blanc, prépondérant dans toutes les œuvres, la juxtaposition de motifs qui, une fois assemblés, ne semblent plus s’intégrer dans aucune sorte de narration, la rythmique ou l’arythmie des motifs dans un même dessin ou des dessins entre eux, la délicatesse confrontée à la rupture, l’échappée permanente du sens au profit d’une pulsation très réglée… sont autant de caractères omniprésents qui concourent à inscrire les œuvres dans un système de lecture où la musicalité l’emporte bien souvent sur la picturalité, utilisant cette dernière comme moyen et non comme finalité.
Floreal VII, acquise par le FRAC Auvergne, est une grande gouache réalisée sur papier et s’intègre, comme l’indique le chiffre qui suit le titre de l’œuvre, dans une série consacrée à des motifs dont la source est végétale mais n’ayant pas pour objet de s’inscrire dans la représentation d’un ensemble de motifs floraux. « Dans les grands dessins floraux les tiges qui relient les fleurs entre elles sont invraisemblables d’un point de vue botanique. Elles ne correspondent à aucun type d’inflorescence, ni à la structure du lierre, ni à celle de l’orchidée », comme le précise Fabrice Hergott1 à propos de cette série. De ce point de vue, la série s’inscrit dans le prolongement direct des dessins floraux exécutés par Henri Matisse et Ellsworth Kelly, dont le sujet de départ n’est que prétexte à une libération du geste, à l’expérimentation d’une fluidité inscrite dans une économie d’effets à laquelle ne peut que souscrire Silvia Bächli.

Jean-Charles Vergne

1- in « Un monde entre les choses », cat. Silvia Bächli, FRAC Haute-Normandie, Domaine de Kerguéhennec, Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg, p. 86, Editions Paris Musées, 2002.