Carole BENZAKEN

Née en France en 1964 - Vit en France

Par son format reprenant celui des images en cinémascope, cette peinture de Carole Benzaken oriente sa lecture du côté du cinéma. Ses couleurs évoquant le technicolor, son cadrage, son puissant effet de zoom (moitié gauche), en rupture avec la mise au point lointaine et floue (moitié droite) sont autant d’éléments dont les origines sont à chercher dans les couleurs saturées de l’imagerie cinématographique et les techniques de cadrage dont disposent les chefs opérateurs. Il s’agit donc de mesurer cette peinture dans ses relations possibles avec le cinéma, mais pas n’importe lequel puisqu’il s’agit précisément d’un cinéma hérité des cartoons de Walt Disney (le premier Mickey, Plane Crazy, date de 1928), incarné par l’empire que représente aujourd’hui la Walt Disney Company, tant par ses parcs d’attractions que par l’industrie cinématographique. Et, si l’on souhaite adopter un angle politique, il est intéressant de se souvenir qu’au début des années 1940, au moment de l’entrée en guerre des États-Unis, alors que se précisent les contours de ce que l’on nommera la Guerre Froide, le gouvernement américain décide de tout mettre en œuvre pour dessiner la future conquête économique et culturelle du monde afin de contrer le fascisme et le communisme. Disney représente alors, aux côtés du cinéma hollywoodien, l’un des piliers de cette stratégie (la création artistique en étant un autre, avec la conquête menée par les artistes américains face aux artistes européens). Films, licences d’exploitation, produits dérivés ont fait de l’univers de Walt Disney une multinationale omniprésente dont les produits font l’objet des études marketing les plus poussées pour obtenir le consentement global d’un public mondial. Disneyland Paris dévoile une vision en cinémascope de cette conquête orchestrée par des spécialistes du marketing et du merchandising. L’image se livre dans l’impossibilité de sa lecture immédiate, oscillant entre le flou d’un décor lointain et le zoom cadrant au plus près Mickey et un touriste. Les couleurs acidulées et chatoyantes renvoient à la fabrication d’un univers fondé sur l’illusion et le rêve et il faut du recul et un minimum de temps pour être en capacité de déchiffrer ce que cette peinture monumentale donne à voir : Mickey envoyant un uppercut au visage d’un touriste vêtu d’une chemise hawaïenne.

 

Jean-Charles Vergne