Gabriele CHIARI

Née en Hallein (Autriche) en 1978 - Vit à Paris

Gabriele Chiari pratique uniquement l’aquarelle, un entre-deux – selon ses propres termes –, entre le dessin et la peinture, dans un format qui est presque exclusivement le même – il y a eu quelques entorses, mais peu nombreuses – de 73 x 110 cm, toujours utilisé à l’horizontale qui permet, selon l’artiste, « une lecture des parties vers un tout1 » et dans une production raréfiée puisqu’elle ne réalise qu’une dizaine d’œuvres chaque année.
Les œuvres sont résolument abstraites et ne font jamais référence à un élément figuratif – sinon dans un rapport analogique qui est foncièrement réducteur ou n’est que le produit de l’inconscient du spectateur. Plus que d’images, il s’agit de thématiques, de « thèmes qui me préoccupent : austérité, plis, sensualité, étrangeté2… »
Chaque œuvre procède d’abord d’une image mentale. Si l’aquarelle n’est réalisée que dans l’atelier, l’image mentale peut provenir d’une expérience qui a lieu en dehors : « Ce qui me nourrit le plus ce sont les longues marches dans des paysages rocheux. Dans ces moments de silence, de solitude, les choses peuvent surgir, prendre forme. Je peux les laisser surgir, prendre forme. Je suis très présente au paysage, très concentrée, j’ai une grande disponibilité3. »
Il y a d’abord des essais, essais de couleur et de préparation du papier qui amènent à l’œuvre définitive après de nombreuses tentatives infructueuses ou insatisfaisantes. Le papier peut être mouillé à certains endroits, laissé sec à d’autres, la feuille peut être déformée par un élément placé sous elle… Il s’agit de « Faire et refaire. Faire et refaire jusqu’à intérioriser le geste, connaître les éléments en jeu et leur réaction les uns aux autres pour que l’aquarelle semble se faire d’elle-même. Écarter tout ce qui encombre, tout ce qui est lourd. Un rien peut être de trop. Une couleur trop peu diluée, trop de liquide sur la feuille, un geste trop intentionnel ou trop d’aléatoire, un dispositif trop compliqué (…) Il faut éliminer au fur et à mesure pour s’assurer que chaque élément soit juste. Le travail autour d’une aquarelle commence souvent avec un essai surchargé en couleur ou trop bavard, qui pourtant ouvre des pistes4. »
C’est la préparation du papier, de la couleur et la qualité du geste qui amènent à l’œuvre définitive, dans un travail ouvert à l’aléatoire puisque Gabriele Chiari ne sait jamais totalement comme la chimie – ou la magie – va opérer et que l’œuvre se révèle dans et par la qualité du papier, comme dans et par les bords de la forme : « Dès qu’il y a séchage, il a des bordures qui marquent. Le tout est de jouer avec ça. Le statut spécifique de l’aquarelle est autonome, c’est-à-dire qu’elle produit un dessin indépendant de mon intention5. » Il faut « être disponible, suivre le mouvement, laisser la juste place à l’aléatoire6 ». Le geste doit « faire parler le matériau et ce qu’il enregistre au passage7. »
Une fois que l’œuvre est effectuée et que l’idée a pris forme, il n’y a pas de redite, pas de répétition d’un savoir faire dans une autre œuvre semblable, même si des œuvres peuvent sembler similaires et procèdent d’un air de famille oscillant, comme les deux œuvres du FRAC Auvergne, entre la la salissure, l’écoulement corporel, la trace évanescente, dans un peu, un presque rien, un pas grand chose, une légèreté à la fois dérisoire et somptueuse dont l’aquarelle est le sismographe.

Éric Suchère

1- « Entretien avec Marielle Barascud », dans Gabriele Chiari, Vraisemblance du perméable, Montpellier, éditions Méridianes, collection Grands Méridianes, 2011, n. p.

2- Ibid.

3- Ibid.

4- « 3 récits en couleur », dans Saint-Jacques, Camille et Suchère, Éric (dir.), Principe de légèreté, Montreuil-sous-bois, éditions Lienart, collection Beautés, 2012, p. 223.

5- « Entretien avec Marielle Barascud », dans Gabriele Chiari, Vraisemblance du perméable, op. cit.

6- « 3 récits en couleur », dans Saint-Jacques, Camille et Suchère, Éric (dir.), Principe de légèreté, op. cit.

7- Ibid.