Patrick CONDOURET

Né en France en 1965 - Vit en France

On peut classer les sculptures de Patrick Condouret en trois catégories. Il y a des assemblages, souvent de taille réduite – c’est le cas de l’œuvre qui est dans les collections du FRAC Auvergne –, des tables où coexistent assemblages et objets trouvés ou à peine retouchés et des installations souvent anarchiques qui dépassent souvent l’échelle humaine. Il y a évidemment des passages entre les catégories. Les objets trouvés peuvent être retravaillés pour devenir des constructions et les constructions peuvent s’agrandir pour donner des installations, mais, en dehors de ces passages, on retrouve, dans ces trois types de propositions des préoccupations communes.
Il y a, d’abord, un goût pour l’hétérogénéité matérielle : fil de fer, coton, tissus, barquettes de plats surgelés, vieux bouts de bois, anneaux de rideau de douche, morceaux de ficelle, papiers, lacets, galets, mousses de polyuréthane… tout peut servir et tout peut être recyclé dans les sculptures. Il s’agit avant tout d’être vigilant sur les qualités de couleur, de surface, de matière que ces objets ont. Bien que souvent dérisoires, c’est la mise en contraste de ses propriétés par celles d’autres objets qui fait que la couleur claque, resplendit, que la surface prend un certain luxe, que les matières usées reprennent un peu de lustre. Le travail de Patrick Condouret tient à ces mises en écho, à ces contrastes souvent inattendus – comme, par exemple, des coquilles d’huître et des anneaux en plastique vert tendre ou, dans Relief n° 2, dans le rapport plus que contrasté entre des fils de coton et une structure d’acier.
Il y a, ensuite, des modes de construction qui n’appartiennent pas forcément aux techniques traditionnelles de la sculpture et qui tiennent soit du bricolage, soit du déplacement d’une pratique à une autre. L’artiste, pastichant légèrement Richard Serra et sa liste de verbes à l’infinitif1 a établi une liste des actions possibles : « Je tords, je plie, je réunis, je couds, j’agrafe, je dessine, j’assemble, je décalcomanie, j’autocollant, je plastique, je colle, je punaise, je modelage, j’épingle, je dérape, je m’amuse, je recommence2. » Dans le Relief n° 2 du FRAC Auvergne, l’opération est simplissime puisqu’elle consiste à nouer des fils de coton autour d’une structure en acier et à produire, mais cette opération simplissime produit, ainsi, deux réseaux linéaires qui se complètent et se complexifient mutuellement, deux dessins qui se déploient dans l’espace – grâce à la structure en acier – et se réunissent dans l’ombre qui est projetée au mur.
Le résultat est souvent d’une grande fragilité et d’une grande précarité. Cela semble ne tenir à presque rien et l’on s’approche souvent avec précautions de ces petits objets évidés, ligaturés, entortillés, agrafés, pincés, tressés ou tout simplement collés, et, sans doute, le spectateur, à cause de cette fragilité inhérente aux matériaux et affirmée dans la production, devient plus attentif, se concentre un peu plus sur ce peu, plus que s’il se trouvait devant une machinerie imposante et couteuse et, in fine, peut observer ce qui ressort à la fois du plaisir enfantin, un plaisir enfantin souvent humoristique de l’inventivité manuelle et ce qui nous amène à un regard renouvelé sur les subtilités du presque rien et du pas grand chose qui nous entourent souvent.

Eric Suchère

1- 1967-1968. On retrouvera cette liste sur http://www.ubu.com/concept/serra_verb.html
2- Patrick Condouret, cité dans Cédric Loire, « Déplacements, prolifération et reflux », à propos des œuvres de Patrick Condouret et Laurent Mazuy, dans Patrick Condouret – Laurent Mazuy, Amilly, AGART, 2006, n. p.