Ilse D’HOLLANDER

Née en Belgique en 1968 - Décédée en 1997

Le temps de création d’Ilse D’Hollander fut très court, à peine une décennie, jusqu’au décès prématuré de l’artiste en 1997. Pendant les deux dernières années de sa vie, particulièrement prolifiques, elle réalise quatre cents tableaux et mille sept cents gouaches sur papier. Après avoir quitté Gand, elle s’installe dans la petite ville rurale de Paulatem, partageant son temps entre une pratique frénétique de la peinture et de longues promenades dans la campagne des Ardennes flamandes. Pendant ces quelques mois va naître la majeure partie de son œuvre, assumant pleinement la part d’anachronisme d’une peinture pensée dans le prolongement des maîtres du passé (Paul Cézanne, Giorgio Morandi, Nicolas de Staël furent déterminants) tout en explorant les voies de l’abstraction avec une liberté totale. Ce paysage aux tonalités de gris, bruns et verts sombres est le paysage tel qu’il a été arpenté et peint de mémoire, dans un geste rapide et sec aboutant les unes aux autres des parcelles de territoire. Une image doit être retrouvée et sa reconstitution doit se résoudre à l’aveu de son impossibilité : c’est un paysage incomplet, impossible à compléter, traversé par un aveuglement. Du paysage de campagne ne demeure qu’un souvenir de la périphérie. Cette poésie se livre dans son ultime sentimentalité, composée par celle qui fut sensible à l’imprégnation d’une contrée nimbée des affects du climat des Ardennes, y trouvant un écho vibrant avec un état d’âme, avec une attention portée par le désir de chercher dans la peinture le moyen d’une possible écriture de l’expérience vécue. Je songe aux vers du poète américain Michael Palmer : « un semblant de route ici, une pluie / sans fin perlant la lumière / […]  / le projet de voir les choses / pour ainsi dire, ou les choses vues »1. Le paysage tendu vers le non-figuratif n’est pas né d’une abstraction mais de l’ambition consistant à saisir à nouveau, par la peinture, les espaces traversés et leurs lignes troublées par les brumes hivernales, la froidure matinale, le sentier champêtre gorgé d’eau de pluie.

 

Jean-Charles Vergne

1– Michael Palmer, « Le projet de recherche linéaire », dans Notes pour Echo Lake, (1981), trad. de l’américain par Sydney Lévy et Jean-Jacques Viton, Marseille, Spectres Familiers, 1992, p. 75.