Valérie FAVRE
Née en Suisse en 1959 – Vit en Allemagne
Cette toile fait partie d’une série intitulée Balls and tunnels que Favre a élaborée entre 1995 et 1997. La matière de la peinture se déploie sur toute la surface dans une liberté quasi totale qui n’exclut pas, par la suite, une présence de la composition. La peinture est montrée telle une soupe primitive avant qu’elle ne se fige en image, dans l’exaltation de ses effets aléatoires. En effet, les peintures s’exécutent d’abord toutes seules. Une toile sans enduit est trempée dans un bain rempli d’une encre spéciale. La toile est plus ou moins pliée, chiffonnée. L’encre va teindre la totalité de la surface. Suivant les plis, les déplacements de la toile dans la baignoire, la manière dont l’encre circule dans l’eau… se produisent des effets incontrôlables de taches et de mixtions de couleurs. Cette méthode peut évoquer le travail en aveugle de Hantaï mais, également, le procédé surréaliste du décalcomanie. La toile est ensuite tendue sur un châssis puis retravaillée. Les taches suggèrent des développements, certaines zones sont noyées, comme si le fond, suggérant une géographie particulière, amenait le pinceau à redéfinir une cartographie. Là encore, c’est une peinture acrylique tout à fait spéciale, qui empêche certaines couleurs de se mélanger, qui est apposée. La peinture continue à se développer de manière aléatoire, à produire des volutes mais, cette fois, dans des zones particulières et restreintes. L’épanchement de la couleur est, en même temps, libre et contraint, procédé qui fait partie de l’histoire de la peinture de Protogène à Cabanes en passant par Bacon. Cette manière de concevoir la peinture n’est pas, en outre, éloignée de l’approche musicale de Cage, chez qui le hasard et le non décidé sont aussi importants que l’organisé et le voulu.
Eric Suchère