Geert GOIRIS

Né en Belgique en 1971 - Vit en Belgique

« Quand j’avais environ neuf ou dix ans, j’ai vu une image de ce pavillon dans un magazine. En 1999, j’ai vu la même photographie dans un livre, et je me suis demandé si le pavillon pouvait être toujours à cet emplacement. Alors, je suis parti en expédition en Finlande avec l’intention de le retrouver. Il était installé, caché, quelque part dans une forêt, et après que de nombreuses personnes nous aient chacune donné des indications pour nous aider à trouver la bonne direction, nous avons atteint le pavillon une demi-heure avant la tombée de la nuit1. » C’est en ces termes que Geert Goiris décrit la genèse de cette photographie, dont le sujet est la maison Futuro conçue en 1968 par l’architecte finlandais Matti Suuronen. Directement inspirée par la conquête spatiale des années 1960, Futuro est une maison-capsule dont le design prend ses sources dans l’imagerie à la fois scientifique et fantasmée des habitacles destinés aux voyages intersidéraux et aux conquêtes de terres inexplorées. Cette maison illustre de manière littérale le concept énoncé par Le Corbusier dans les années 1920, proposant que la maison soit envisagée comme une « machine à habiter », aménagée comme une auto ou une cabine de bateau, libérée du principe de sédentarité par sa mobilité. Elle synthétise l’habitat « extra-terrestre » des hommes du futur et l’habitacle terrestre nomade, émancipé de ses contingences de fondations, d’immuabilité et d’ancrage dans le sol. Futuro était construite en kit à partir d’éléments en plastique polyester et sa conception obéissait à la nécessité de pouvoir la déplacer aisément et de l’installer sans difficulté sur des terrains escarpés incompatibles avec les architectures traditionnelles de l’époque – ce que montre bien la photographie de Geert Goiris. Mais la crise pétrolière de 1973, l’augmentation endémique du coût des matières plastiques et un marketing inadapté auront eu raison du projet architectural de Matti Suuronen.
La maison Futuro photographiée par Geert Goiris gît quelque part au milieu d’une forêt finlandaise. Aucune route ne conduit à l’édifice, posé à cet emplacement depuis les années 1960, devenu l’épave d’un projet visionnaire dont le devenir aura été celui d’une utopie. Cet habitat répondait à la volonté de faire table rase d’une architecture engoncée dans un traditionalisme obsolète, de fournir l’habitation du futur capable de répondre à la nouvelle donne d’un monde de plus en plus changeant par une maison totalement mobile et adaptée à tous les territoires. La contre-plongée adoptée par Geert Goiris pour sa prise de vue donne à voir l’instant de la découverte lorsque l’artiste, situé en contrebas, aperçoit la maison échouée comme un ovni sur une petite crête enneigée. Sa porte d’entrée a disparu, ses parois sont couvertes de mousse et de vert-de-gris, la maison est devenue le fantôme d’elle-même et se révèle, engoncée entre les arbres comme un mystérieux sanctuaire exclu du temps.

Jean-Charles Vergne

1- Geert Goiris, « Myths, Places and Protagonists », Geert Goiris – Lying Awake, Roma, 2013, n.p. Traduction Jean-Charles Vergne.