Nicolas GUIET

Né en France en 1970 - Vit en France

La première incertitude, au sujet des peintures de Nicolas Guiet, tient à leur appartenance à la catégorie du tableau. Ses œuvres ne sont pas planes, leur format n’est pas quadrangulaire, elles ne recèlent ni figures ni facture, et elles s’accrochent dans les creux et les angles plutôt qu’au milieu des murs. […] à propos du volume de ses œuvres et de leur rattachement à la sculpture ou à la peinture, Nicolas Guiet choisit, […] répond par le dessin : «Je fais des dessins, explique-t-il, qui définissent des châssis sur lesquels je tends une toile que je peins. Il s’agit donc pour moi de travailler avec tous les constituants propres au tableau.» […] Au stade de sa conception, et dans le cas où il s’inscrit dans un angle entre deux murs, le dessin de chaque tableau doit d’abord répondre à une situation de symétrie : comment la forme va-t-elle se déployer d’un mur à l’autre ? Comment va-t-elle négocier le passage ? Nicolas Guiet ne s’interdit aucune possibilité et c’est l’infinité de réponses qui permet la richesse des formes. […] Certains tableaux longent simplement l’angle, tandis que d’autres semblent l’enjamber, gonflent comme une excroissance du mur ou se répandent en motifs symétriques ou non. […] Tableaux aux volumes «exagérés», selon la formulation de l’artiste, ces œuvres appellent le toucher autant qu’ils sollicitent la vue. À mesure qu’il y a eu à voir (une ou deux couleurs, texture en aplat, absence de figure et même de motif) s’éveille le désir de toucher, comme pour apporter la réponse aux questions que posent ces volumes : sont-ils pleins ou creux, durs ou mous ? Là où le monochrome historique sollicitait la contemplation et la distance, les œuvres de Nicolas Guiet appellent le toucher. Paradoxalement, ces tableaux jouent de la contradiction entre l’incitation et l’interdiction du toucher. […]
Afin de contrecarrer la tentation de l’interprétation ou de l’analogie immédiate, les titres sont délibérément incompréhensibles. Nicolas Guiet recourt à un protocole simple par lequel la première personne qui a besoin d’un titre pour désigner une pièce est chargée de le lui donner, l’opération consistant à frapper, à l’aveugle, une suite de lettres sur le clavier de l’ordinateur. […] Curieusement, les titres ainsi obtenus (opmpojk, oihlinpuo, qapdùc…) ne sont pas sans évoquer – précisément parce qu’ils sont littéralement insensés – un babil ou les gestes d’un bébé tripotant un clavier. Ces titres ne sont pas des descriptions et ne fournissent aucune explication des œuvres.

Karim Ghaddab
(dans «Mycoplasma laboratorium, ou la peinture synthétique», Nicolas Guiet, otrtreotrpoto, Galerie Jean Fournier, éditions Lienart, 2010, pp.10-14.)