Simon HANTAÏ

Né en Hongrie en 1922 - Décédé en 2008

Simon Hantaï est considéré comme l’un des peintres français les plus importants de la seconde moitié du siècle et son influence reste considérable dans le champ de la peinture abstraite. Après des débuts surréalistes (1950-1955) parrainés par André Breton, il s’éloigne de l’image pour aller vers une peinture plus gestuelle (1956-1957) où les processus matériels d’exécution sont mis en avant notamment par le raclage qui vient se substituer au dépôt de la matière picturale. Entre 1958 et 1959, cette technique du raclage est utilisée pour des toiles où l’idée de composition est abandonnée au profit d’une surface all-over. Le geste expressionniste finit par disparaître dans une dilatation temporelle de l’exécution qui se rapproche de l’écriture, une écriture lente et minutieuse provoquant une vibration totale de la surface. Entre 1960 et 1962, il peint ses premières peintures avec la technique du pliage (les Mariales), technique qui deviendra une méthode, sa méthode – tel qu’il l’affirme dans le catalogue de son exposition à la galerie Jean Fournier en 1967. La toile est pliée, nouée et peinte avant d’être dépliée. Les parties pliées ou froissées laissent apparaître la toile en réserve (réserves qui peuvent être repeintes après coup) ou la sous-couche qui a été appliquée tandis que les parties visibles, en étant peintes, créent un étoilement. La peinture se fait en aveugle et le dépliage est le moment de la révélation de l’espace et du motif pictural. Cette technique qu’il complexifie en différentes formules met à distance la subjectivité, les gestes trop appris, les décisions picturales trop formelles. Suivront les Catamurons et les Panses entre 1963 et 1965 où le blanc de la toile à son pourtour est laissé vierge, les Meuns (1967-1968) qui tendent vers une simplification des motifs et où le blanc de la toile cesse d’être vide, rentre dans la forme, la pénètre, détruit la relation traditionnelle du fond et de la surface – à l’instar des gouaches découpées de Matisse. Cette modification de la relation fond/forme culmine avec les Études et les Blancs entre 1969 et 1973. C’est à partir de 1969 que Simon Hantaï abandonne la peinture à l’huile au profit de l’acrylique dans une volonté de mettre à distance les effets de surface, d’avoir une peinture sans qualité, la plus inexpressive possible. Dans les Blancs, la peinture semble éclatée à la surface de la toile avec une même intensité colorée sur l’ensemble de sa superficie et dans une richesse de tonalités qui perturbe la lecture des formes.

Les Tabulas, série à laquelle appartient l’œuvre du FRAC Auvergne sont réalisées entre 1973 et 1982. La monochromie s’oppose à l’éclatement coloré de la série précédente. Les toiles sont ordonnées par un motif régulier et orthogonal que seules les fronces viennent perturber. Quelques peintures, pourtant, sortent de cet ordonnancement – c’est le cas de cette Tabula bleue – où le désordre et le chaos reviennent s’inscrire dans la forme tabulaire centrale, mais ce chaos se revendique comme décoratif, volonté de s’inscrire à la surface du mur comme une tapisserie, un papier peint, dans l’exercice le plus banal de l’ornementation murale – cette simplicité du banal a, d’ailleurs, été revendiquée par l’artiste lorsque, en ouverture du catalogue de son exposition au Musée national d’art moderne en 1976, il avait fait figurer une photographie de sa mère portant un tablier à plis repassés en rectangles pour montrer cette filiation avec l’ordinaire ménager. Malgré tout ce qui ressort n’est pas tant la forme, donnée par la méthode qu’il domine parfaitement, mais la richesse de la couleur et, pour reprendre le mot de Dominique Fourcade, dans le catalogue de l’exposition au Musée national d’art moderne de 2013, le timbre : « C’est-à-dire le rapport entre la qualité de la couleur, sa plénitude, et l’étendue de la couleur dans chaque carreau de la surface1 ». Et bien que la mise au carreau soit particulièrement déstructurée dans la peinture du FRAC Auvergne, cette idée du timbre demeure, timbre qui évoque autant les Nus bleus de Matisse que la robe de la Vierge dans le Couronnement de la Vierge d’Enguerrand Quarton. La peinture est cet éclat si particulier.

En 1982, peu après avoir fait cette peinture, Simon Hantaï, se retire, décide de ne plus exposer, de ne plus laisser sortir les peintures de l’atelier pour aller contre la spéculation commerciale de ses toiles qu’il juge outrancière. Il continuera tout de même à peindre avec les Laissées et quelques œuvres éparses. S’il reviendra dans les années 2000 sur sa décision de ne plus exposer, ses expositions demeureront rares et l’éthique inchangée jusqu’à sa mort en 2008.

Éric Suchère

1- Dominique Fourcade, « Hantaï, une exposition », dans Simon Hantaï, Paris, Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, 2013, p. 184.