Silvia HESTNES

Née en France en 1961 - Vit en France

Silvia Hestnes pratique principalement la peinture et le dessin. Ses peintures et dessins sont le plus souvent des évocations de choses vues ou des réminiscences de rêves. Les figures y sont symbolisées en vagues silhouettes, les paysages deviennent des formes abstraites d’où émergent parfois quelques référents indiciels et, quelquefois, des éléments collés – feuilles de carnets ou photographies – viennent ancrer ces ébauches abstraites dans une réalité plus prosaïque. Peintures et dessins sont exécutés rapidement dans des gestes qui rappellent l’esquisse, l’annotation ou la pochade dans une urgence qui pourrait rappeler certains créateurs de l’art brut ou de ce que l’on appelle l’« Outsider art » et la manière dont l’artiste elle-même parle de ses œuvres picturales et les ancre dans une série d’éléments narratifs pourraient appuyer cette lecture à la différence que Silvia Hestnes a eu une éducation artistique poussée à l’École supérieure des Beaux-Arts de Paris.

Si, donc, cette artiste a une pratique principalement picturale, il lui arrive, fréquemment, de faire quelques incartades vers la sculpture comme en témoigne la double pièce de la collection du FRAC Auvergne. Dans ses sculptures, la dimension narrative semble avoir totalement disparu et l’on serait bien en peine de voir une quelconque évocation du réel ou des corps pourtant si présents dans ses dessins. Il ne s’agit pourtant en rien d’un hiatus créatif ni d’une double pratique et il faut considérer les volumes qu’elle réalise comme une extension des dessins. On y retrouve la même syntaxe colorée, le même plaisir de la tache et de la forme dans une abstraction encore plus poussée ou dans un langage plus formel dépouillé de tout élément historié. Les sculptures sont des dessins en trois dimensions dont il ne resterait plus que le squelette en une structure essentielle.

Il faudrait néanmoins se garder de ne faire de ses sculptures que des extensions de la peinture et de n’y voir qu’une pratique accessoire. Certes les sculptures dérivent des premières mais elles acquièrent et possèdent une autonomie propre qui ne les inféode pas aux œuvres bidimensionnelles. Ne serait-ce que par les matériaux qu’elle utilise et qui leur confèrent une matérialité spécifique : feuilles colorées, grillages, morceaux de tissus, plâtre, tapis… Silvia Hestnes développe dans ce domaine une inventivité propre qui empêche de n’y voir qu’une déclinaison. Il en va de même pour les procédures : torsion, épinglage, couture, poterie… les actions sculpturales témoignent d’un rapport évident avec une pratique de la sculpture contemporaine qui pourraient rappeler aussi bien les pièces les plus avant-gardistes de Barry Flanagan que celles de Richard Tuttle – et, comme Richard Tuttle, elle joue d’une ambigüité permanente entre propositions picturales et sculpturales.

Ainsi, dans la pièce intitulée Sans titre du FRAC Auvergne des chutes irrégulières de tissus multicolores sont épinglées, dans un cas, sur une structure ouverte comme un patron que l’on essaierait sur un mannequin ouvert au caractère évidemment expressionniste, tandis que sur l’autre élément, ces mêmes chutes, cette fois découpées en carrés forment un damier régulier retombant à l’extérieur de l’ossature et viennent jouer avec une base de bande plâtrée en une structure plus architecturale. Les matériaux employés restent les mêmes tout comme les procédures utilisées mais ce qui est en jeu dans chaque élément de la sculpture diffère : fermeture contre ouverture, désordre contre ordre, rapiéçage hâtif contre structuration, modélisation contre planéité, corps contre architecture… toute une série de référents analogiques naissent de cette confrontation proprement matérielle et poïétique dans des œuvres pourtant éminemment légères où rien n’est appuyé et où aucune démonstration n’est forcée.

Eric Suchère