Rémy HYSBERGUE

Né en France en 1967 – Vit en France

Depuis 2000, Rémy Hysbergue donne à voir une peinture qui est aussi narquoise que lyrique, aussi distanciée que virtuose. Si les titres des différentes séries qu’il a pu peindre disent avec insistance une ironie omniprésente : Bluff, Distraction, Cordialement, Époustouflant, Vides faits, Abracadabra… cette peinture n’est pas seulement une peinture du soupçon car ce que les titres disent, la peinture, souvent, le contredit et se permet des choses que l’on pensait impossibles, des explosions colorées ou des gestes élégants que l’on pourrait mal interpréter. Rémy Hysbergue se délecte tout en nous prévenant que cette délectation est celle d’une condition post-moderne – au sens littéral, c’est-à-dire après la modernité – et les titres sont là pour nous rappeler cette distance. Mais ce serait réduire cette peinture que de croire qu’elle ne tente que de faire des gestes impossibles avec un sourire appuyé. La peinture de Rémy Hysbergue traite, surtout et principalement, du langage.
« Bien sûr, il y aurait cette volonté – obligation de comprendre un peu, en faisant d’abord une sorte de « tournée d’inspection », en piochant ici ou là des instants de peinture ; mais aussi de vouloir revoir des « images » qui ne soient pas que des autoroutes avec une seule entrée et une seule sortie possible… donner… à voir… voir… », Rémy Hysbergue.
Piocher des instants de peinture : la peinture de Rémy Hysbergue se confronte à cette question du prélèvement. On pourra employer ce terme très classique ou lui préférer celui, plus à la mode, de sample. Sampler, c’est, non seulement prélever mais aussi, donner par le sample, une certaine couleur, c’est importer aussi un matériau qui a une histoire, une esthétique. Sampler, c’est, aussi, goûter à, essayer.
Rémy Hysbergue, donc, sample, extrait des éléments venant de tous horizons, non dans une perspective citationnelle mais dans une optique grammairienne. Il ne s’agit pas, pour lui, de faire des clins d’œil à l’histoire et aux grands peintres mais de faire siens ces matériaux et éléments. Une fois les éléments samplés, il faut les mixer, non pour effacer leur origine mais pour les faire fonctionner ensemble. En cela, Rémy Hysbergue fonctionnerait comme un échantillonneur : prélèvement puis traitement et transformation du signal. Reste à agencer les différentes strates stylistiques sans enlever leurs particularismes.
Ainsi, ce Bluff avec son espace vide, évidant les éléments picturaux, les poussant à la périphérie, ramassant, en des passages abruptes, formes géométriques en aplats aux contours très architecturés et « nuages » informels à la touche virevoltante que viennent écraser de légères raclures richtériennes et des lignes aux rectitudes dominatrices ; le tout dans une économie du minuscule, dans des micro relations infimes où l’accumulation de détails l’emporte sur la composition globale.
Ainsi, ce Pour l’instant qui tente d’articuler deux éléments inconciliables : un élément figuratif et un élément abstrait, un fragment du réel saisi par un miroir qui sert de support à l’œuvre et une peinture composée de gestes abstraits. Mais il ne s’agit pas d’une simple juxtaposition mais d’une lutte où chacun tente d’emporter, d’emmener l’autre sur son territoire. Le reflet déformé devient un élément de la sémantique abstraite et les gestes amples deviennent un élément du décor. Au point qu’il devient difficile de savoir où se situent les différentes surfaces les unes par rapport aux autres, au point qu’il se produit un effet de tramage généralisé entre les différentes couches picturales et les différentes profondeurs de l’espace qui viennent se refléter à la surface de l’œuvre.
Aussi, cette peinture fait réagir et interagir des éléments hétérogènes, parfois inconciliables et c’est en cela qu’elle est grammairienne : elle structure des formants qui prennent, suivant le contexte, des significations différentes. Elle articule des bonds, des écarts, des « inconciliables ». Elle collige, c’est-à-dire qu’elle fait une collection mais, surtout, relie des « abstractions » en vue d’en faire une synthèse. Plus que dans les éléments, c’est dans le lien, dans la synthèse que s’éprouve la qualité de cette peinture.

Eric Suchère