Jean LAUBE

Né en France en 1959 - Vit en France

Dans les années 1990 jusqu’au début des années 2000, les peintures de Jean Laube étaient des tableaux réalisés sur des panneaux de bois dans lesquels s’établissaient une hésitation permanente entre une abstraction géométrique et décorative et des illusions d’espaces tridimensionnels. Les premières peintures, parmi celles-ci, étaient all-over et entretenaient un rapport évident avec des frises ornementales qu’elles soient celles de la Renaissance ou bien celles des décors qui agrémentent nos ensembles d’habitations urbains. Dans les presque dernières œuvres de ces séries, la confrontation entre des systèmes ornementaux et des illusions perspectivistes devenait plus évidente se transformant en un rapport constant mais non systématique entre une grille plane et une autre provoquant une profondeur. Si ces peintures pouvaient encore évoquer les spéculations de la Renaissance – particulièrement Masaccio – la relation à l’architecture était plus souterraine, même si elle pouvait être lisible dans l’utilisation constante de la grille et de la répétition. Ces séries connurent leur acmé avec un ensemble de peintures beaucoup plus libres intitulées Été 2003 qui semblaient être marquées par une désorganisation, une dérégulation et un dessin bien plus discret même s’il réapparaissait dans des structures qui gardaient encore un peu de leur illusionnisme tout en se montrant moins persuasif et où s’affirmait encore plus la présence de la touche.

Entre 2005 et 2006, Jean Laube construisit des Chambres, petits théâtres optiques contenus dans des boîtes de carton fabriquées sommairement que le spectateur était amené à manipuler pour contempler, en réduction, des simulations d’espaces, maquettes scénographiques sans action où le dérisoire s’opposait à l’inquiétude qui pouvait sourdre de ces pièces désolées, assez souvent en ruine évoquant quelques désastres non nommés. Si l’aspect extérieur des premières boîtes était finalement assez neutre – simples parallélépipèdes privilégiant ce qui se passait à l’intérieur – les dernières devinrent, toujours à l’extérieur, de plus en plus élaborées, parfois peintes, parfois petites constructions qui pouvaient évoquer, par leur caractère bricolé, celles de Picasso entre 1912 et 1914.

Les pièces qui suivirent, dont la pièce du FRAC Auvergne est représentative, donnent une plus grande ampleur à ces constructions pour les transformer en assemblages ou reliefs autonomes oscillant entre les reliefs d’angle de Vladimir Tatline, certains assemblages de Jean Pougny ou ceux de Kurt Schwitters. Si l’on oublie ces références et que l’on se recentre sur les œuvres de Jean Laube, ces reliefs semblent faire le lien entre les peintures semi-abstraites des années 1990 et les Chambres du début des années 2000. Ce sont toujours des théâtres, mais, cette fois-ci, abstraits où la couleur vient parfois contredire la pliure d’un support, où une ombre portée vient s’opposer à la bi-dimensionnalité de ces plans superposés et la couleur apposée en jus mats produit un dessin qui complète ou perturbe celui donné par la découpe des éléments du support. Comme dans les peintures des années précédentes, il y a bien une relation dialectique – au sens de logique formelle – entre l’espace réel et l’espace figuré, entre le virtuel d’un espace coloré et la réalité sensible d’une touche qui en recouvre une autre. Dans le cas de l’œuvre du FRAC Auvergne, intitulée Boucle, la couleur en arabesques arrondies passe d’un panneau à un autre, est oblitérée par un plan, s’interrompt brusquement dans la découpe d’une plaque et joue avec les interstices qui transforment le mur en une partie de l’œuvre, participant à son économie générale.

Éric Suchère