Katsuhito NISHIKAWA

Né au Japon en 1949 - Vit en Allemagne

Touchant aussi bien au champ de l’architecture et du design qu’à celui de la sculpture et de la peinture, l’œuvre pluridisciplinaire de Nishikawa s’attache principalement à traduire par des réalisations plastiques d’une grande subtilité les écarts infinitésimaux qui constituent l’essence des choses. Son vocabulaire formel très dépouillé en appelle à l’immatérialité et à la fugacité des phénomènes constitutifs de la vie. Sa sculpture légère aux formes organiques qui évoquent souvent les quatre éléments rappelle la primauté du rapport de l’homme à la nature. Avec les séries de tableaux monochromes qu’il réalise depuis 2000, l’artiste japonais ré-explore la relation de l’expérience à la perception par une approche purement phénoménologique de la couleur à la fois simple et étonnamment puissante. Afin de donner à voir, ou plutôt à contempler, l’instance de la couleur par le biais de l’éventail infini des écarts de nuances les plus infimes, Nishikawa propose des fenêtres ou fragments (l’éventail étant infini ne saurait se donner tout entier) sous la forme de rectangles ou carrés de couleur, disposés dans un espace donné, en rangées verticales et horizontales équidistantes. Un déploiement spatial tiré au cordeau pour des champs vibratoires de couleurs indicibles. Pour le spectateur qui parcourt l’ensemble ou s’arrête devant un seul tableau, il s’agit plus de l’expérimentation d’une sensation colorée que de la vision d’une couleur donnée. L’infinitude pressentie des déclinaisons de tons empêche toute réduction nominative. Nishikawa nous confronte à une couleur impossible à nommer et aussi difficilement qualifiable que ne sont quantifiables l’air ou la lumière. Ce faisant, il nous replace dans une dimension temporelle oubliée. Le procédé physique utilisé par l’artiste est ingénieux dans la mesure où il s’offre là une palette illimitée mais sa simplicité et son évidence ajoutent à la force de la proposition, car il n’y a nul tour de force, nulle acrobatie illusionniste. Il crée son nuancier en montant en « feuilleté » vertical des plaques de plexiglas teintées dans la masse, translucides, et opalescentes, jouant ainsi sur les phénomènes de transparence et de réfraction. Les plaques translucide et opalescente du fond et du front permettent à la plaque de couleur centrale fluorescente ou saturée de se laisser moduler par la circulation de la lumière avec ses multiples variations de ton et d’intensité. L’œuvre Color as shadow est une expérience de rouge mais l’identification chromatique ne peut rester que toute relative, fugitive, soumise aux délicates et incessantes variations dues aux changements de lumière et de voisinage, aux positionnements de l’oeuvre par rapport à l’architecture du lieu et ses couleurs. Bien que proposant une expérience exclusivement optique, le rectangle de couleur de Nishikawa existe également en tant qu’objet. Les plaques de plexiglas sont arrimées ensemble et suspendues dans un entre-deux spatial, devant le mur mais tout de même contre, par de minces filins d’acier. La présence physique de l’objet, que l’on peut ressentir comme flottant devant son support, joue un rôle signifiant dans l’appréhension globale de l’œuvre en aiguisant les sens par ce jeu de contraste entre la présence immatérielle des radiations de la couleur et la matérialité, toute aérienne, du tableau. Ces carrés et rectangles ne sont finalement pas très éloignés des Physalis, ces sculptures ultra légères suspendues, en maille d’acier et fibre de verre, aux formes torsadées, que Nishikawa a montré à partir de 1999. La parenté des matériaux rejoint la similitude de la convocation perceptuelle. L’œuvre de l’artiste est, quelle que soit la forme qu’elle prend, une subtile traversée des sens.

Ann Hindry