Martin PARR

Né en Grande-Bretagne en 1952 - Vit en Grande-Bretagne

Martin Parr est un des plus célèbres et populaires photographes documentaires qui, s’il expose, est connu principalement, par ses livres – une quarantaine de publications depuis le premier livre en 1982. Si ses premières photographies ont été des tirages en noir et blanc, il pratique depuis 1982, exclusivement la photographie couleur pour prendre des photographies à caractère social dans un travail sériel, que ce soit sur les activités des classes moyennes (The Cost of Living, 1987-1989), le tourisme de masse (Small World, 1987-1994), ou la consommation (Common Sense, 1995-1998), mais aussi sur des pays ou des villes (citons, pêle-mêle, Évian, le Japon, Hong Kong, la Grande-Bretagne, l’Écosse, Atlanta…) Il a rejoint l’agence Magnum en 1988 et en est devenu membre à part entière en 1994 – ce qui indique une reconnaissance de son appartenance au photojournalisme, même si l’on ne peut réduire les photographes de cette agence à ce champ photographique. La couleur un peu forcée – voire délicieusement datée, comme elle évoque souvent une tonalité très proche des tirages de photographies amateurs des années 1960 –, l’humour – mais marqué par une très grande tendresse pour les sujets qu’il traite –, son sens de la composition des foules, son usage d’une grande profondeur de champ avec des éléments à la fois très proches et très éloignés en font un photographe immédiatement reconnaissable.

Common Sense, série à laquelle les dix œuvres du FRAC Auvergne appartiennent, sont peut-être parmi les plus atypiques des œuvres de Martin Parr par le choix d’un cadrage très serré, de gros plans, sur des objets ou figures : pigeons, gâteaux, pieds en tongs fleuries, morceaux de viande, torses masculin… pris dans différents pays et villes (Espagne, France, Grande-Bretagne, Hongrie, Irlande, Japon, Pays-Bas, République Tchèque…), sans que l’origine de ces photographies ne soit mentionnée dans le livre qui est consacré à cette série – les livres de Martin Parr sont présentés le plus souvent sans aucun texte ou commentaire. Dans le cas des dix photographies présentes dans les collections du FRAC Auvergne les sujets ont été pris en aux États-Unis, Grande-Bretagne, en Hongrie, en Irlande en Italie, en Thaïlande, mais, après tout peu importe comme le projet photographique vise à montrer la laideur et la vulgarité planétaire de nos sociétés capitalistes – « common » signifiant à la fois omniprésent et vulgaire.

Les œuvres sont moins esthétisantes que dans les autres séries de l’artiste – les photographies ont été prises avec un appareil 35 mm et un film ultra saturé – et les cadrages souvent d’une grande banalité accentuent le sentiment d’une agression visuelle. Les tirages eux-mêmes sont d’une qualité moyenne puisque la série complète se présente sous la forme de 350 photocopies couleur Xerox de format A3 qui doivent être simplement épinglées au mur dans leur totalité – il y a en tout dix tirages de la série complète. La qualité du tirage Xerox n’est, évidemment, pas la même qu’un tirage photographique et les instructions d’accrochage témoignent de leur caractère non précieux. Loin d’être fétichisées, les œuvres doivent être présentées par groupes sur une grille horizontale d’au moins trois images sur quatre, ce qui renforce la perception globale et le rôle de la couleur plutôt que la concentration sur une image. L’accrochage renforce le regard rapide, la saisie du signe plutôt que la contemplation, le passage d’une image à une autre, la victoire des stéréotypes et la dégradation de masse jusqu’à l’écœurement.

Éric Suchère