Dominique PETITGAND

Né en France en 1965 - Vit en France

Dominique Petitgand conçoit, compose et réalise des pièces sonores, parlées, musicales et silencieuses qui se donnent à entendre selon différents dispositifs : installations sonores, diffusions dans l’obscurité, éditions de CD. Ces dispositifs font l’objet d’un réglage extrêmement précis et documenté de la part de l’artiste qui fournit toujours, avec ses oeuvres, un protocole d’installation et de diffusion qui doit être rigoureusement respecté. Ainsi, pour A la merci (At the mercy), il indique :
«L’installation sonore A la merci (At the mercy) occupe un espace en entier, elle ne peut pas cohabiter avec une autre œuvre. Elle nécessite le silence dans l’espace qu’elle occupe et aux alentours. La durée de l’œuvre n’est jamais indiquée, que ce soit sur le cartel ou sur une documentation publique.
L’installation A la merci (At the mercy) est composée d’un enregistrement sonore, diffusé sur deux haut-parleurs fixés sur un premier mur, et d’une traduction sous-titrée en anglais diffusée sur un écran vidéo fixé sur un second mur. L’enregistrement sonore est composé de deux voix et se présente comme une archive : un enfant fait répéter à un adulte une phrase à la tournure alambiquée, en lui dictant les mots un par un, parfois syllabe par syllabe. Ce document sonore laisse planer le doute sur sa véracité. Elle prend l’apparence d’un plan-séquence brut qui met en scène une situation apparemment irréelle : un enfant sachant à peine parler dicte une longue phrase, inaudible et illisible dans sa globalité, qui s’apparente à un discours d’artiste. Sur le côté, en décalage à la frontalité de l’écoute, un écran diffuse la traduction (dans cette version, en anglais) de chaque parole, comme un décalque visuel reprenant la scansion, le bégaiement et les répétitions de la phrase en construction.»

Ce protocole a non seulement pour objet de respecter le dispositif créé par Dominique Petitgand dans ses dimensions spatiale et technique mais aussi de fournir les indications et indices relatifs à l’intention poursuivie par l’oeuvre, comme en atteste la terminologie employée par l’artiste : isolement de l’oeuvre dans un espace, absence d’indication temporelle, archive, véracité, plan-séquence, illisible, bégaiement, etc. Ces précisions importent et révèlent les voies explorées par cette oeuvre : construction du langage, transmission, apprentissage, vérité, contexte, cinéma (sans images)… Simultanément, A la merci (At the mercy) instaure une circulation poétique du sens des mots, une ambiguïté sur le statut de ses protagonistes (S’agit-il d’un fils et de son père ? Pourquoi les rôles sont-ils inversés dans ce mécanisme d’apprentissage ?), et permet l’éclosion d’un onirisme merveilleux dépourvu d’images, constitué par les projections mentales du spectateur.

Jean-Charles Vergne